Agression dans le métro à Lille : qu'encourent les usagers ?

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LA QUESTION - Le procureur de la République de Lille a ouvert une enquête pour non-assistance à personne en danger.

La scène s'est déroulée aux yeux de tous. Mardi soir, une jeune femme, âgée de 30 ans, a été agressée sexuellement, alors qu'elle se trouvait dans le métro lillois. Son agresseur, jugé en comparution immédiate, a été condamné jeudi à dix-huit mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Mais le parquet de Lille envisage à présent de nouvelles poursuites. Celles-ci visent les cinq usagers présents dans la station qui ont évité de monter dans la même rame que l'agresseur à l'arrivée du métro.

Le procureur de la République à Lille, Frédéric Fèvre, a en effet ouvert une enquête préliminaire pour non-assistance à personne en danger. "Pour la non-assistance à personne en danger, j'ai demandé aux policiers de mener une enquête distincte afin de déterminer si l'infraction est juridiquement constituée", a-t-il déclaré. Quels sont les éléments de l'affaire qui justifient l'ouverture d'une enquête préliminaire pour non-assistance à personne en danger ? L'enquête a-t-elle des chances d'aboutir ? Europe 1 fait le point.

Qu'est-ce qui constitue la non-assistance à personne en danger ? La non-assistance à personne en danger consiste à l'abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril, c'est-à-dire à une personne qui risque des atteintes corporelles graves. La loi précise que l'on peut porter assistance à quelqu'un, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. Enfin, le texte précise que la personne portant assistance ne doit faire prendre de risque ni à elle ni à un tiers.

Quelles sont les sanctions encourues par la loi ? Ce délit, défini par l'article 223-6 du droit pénal français, stipule que "quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende."

L'alinéa 2 de ce texte précise qu'il "sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours".

Et dans le cas de l'affaire de Lille ? L'alinéa 2 de ce texte de loi rentre ainsi dans le cas précis de l'agression sexuelle dans le métro lillois. Les usagers du métro sont suspectés de s'être abstenus d'intervenir en connaissance de cause, c'est-à-dire en ayant conscience de la jeune femme était présentement victime d'une agression sexuelle la mettant en péril. Par ailleurs, on peut envisager qu'il n'aurait pas été risqué pour eux ou pour un tiers de provoquer un secours en appelant la police ou en tirant le signal d'alarme du métro. "On ne leur demande pas forcément d'intervenir, mais cela ne coûte rien d'appeler la police", a d'ailleurs regretté la source policière. Et à Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM), de résumer : "on ne cherche pas l’héroïsme mais l'altruisme".

A quelles limites seront confrontés les enquêteurs ? Dans le cas précis, les enquêteurs devront procéder au cas par cas. Ils devront notamment définir si la non-assistance à personne en danger s'est bien faite volontairement, notamment en vérifiant si les usagers avaient un téléphone portable leur permettant de prévenir les secours et si ce téléphone captait dans le métro. Enfin, les policiers devront également déterminer si l'état psychologique des témoins leur permettait d'intervenir.

Pour Gérard Lopez, psychiatre, victimologue et fondateur de l’institut de victimologie de Paris, cette non réaction est "médicalement" normale. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle n’est, en effet, pas le fait "d’individualisme". Le psychiatre explique ainsi que dans les situations très stressantes nos réactions changent. "Quand la situation devient plus stressante, le cerveau émotionnel se met à fonctionner tellement fort qu’il y a une disjonction entre l’émotion et le cerveau qui permet de réfléchir". Ce "court-circuit" priverait donc les témoins de toute réaction logique.

"Peu d'affaires vont au bout". Autant d'éléments qui soulignent que les faits de non-assistance à personne en danger seront donc compliqués à établir et relèveront de l'appréciation des juges. "Peu d'affaires vont au bout, car il y a la difficulté d'établir les faits. La difficulté est double : elle est de retrouver les gens et d'apporter des éléments matériels, intentionnels, pour prouver que la personne a bien vue qu'une infraction était en train de se commettre", résume ainsi Christophe Régnard, président de l'USM, interrogé par Europe 1.

Écoutez l'interview intégrale de Christophe Régnard :

Christophe Régnard : "on ne demande pas aux...par Europe1fr
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