Jean-Yves Le Gall s'attend à vivre un "moment fort" lors du décollage de la mission InSight. 8:54
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Pauline Darvey , modifié à
La mission américaine InSight a décollé ce samedi à 13h05 de Californie, direction Mars. Pour le président du CNES, cette mission sera déterminante pour percer les mystères de la planète rouge et comprendre pourquoi elle n'est plus habitable.
INTERVIEW

"Un lancement est toujours émouvant." Jean-Yves Le Gall, le président du Centre national d'études spatiales (CNES), s'attendait à un moment fort. Il n'a certainement pas été déçu. Fruit d'une dizaine d'années de travail, la mission américaine InSight a décollé à 13h de Californie, direction Mars. "Ce lancement est peut-être plus émouvant que d'autres, poursuit Jean-Yves Le Gall, invité de C'est arrivé cette semaine. Car on ne peut pas aller tous les jours sur Mars mais seulement tous les 26 mois. En 2018, InSight sera le seul créneau."

En cause ? Des raisons de mécaniques célestes. "Mars et la Terre doivent être alignées, sinon le trajet est beaucoup trop long." Avec cette alignement de planète, InSight mettra tout de même six mois à gagner Mars. L'atterrisseur devrait donc se poser le 26 novembre prochain sur la planète rouge.

Comprendre pourquoi Mars n'est plus habitable.Sa mission sera ensuite de s'intéresser à la structure interne de Mars. "On sait que mars a été habitable, rappelle Jean-Yves Le Gall. C'est Mars Express, qu'on avait lancé en 2003, qui l'a montré. Il y a eu de l'eau, de l'atmosphère, des océans et puis tout cela a disparu. Aujourd'hui Mars est un désert glacé, probablement toxique sur la surface. On veut comprendre pourquoi." Ces changements pourraient être dus à la modification du magnétisme de Mars. "Pour cela, il faut savoir de quoi est fait le noyau de Mars, savoir s'il est liquide, solide, etc., assure le directeur du CNES. C'est ce que va faire InSight."

Plusieurs missions avaient déjà tenté de sonder les entrailles de Mars. Sans succès. "Jusqu'à récemment, on connaissait assez mal Mars. Sur cette planète, il y a des vents qui soufflent très vite, à plus de 200km/h, explique Jean-Yves Le Gall. Ce que le sismomètre, qui était sur la mission Viking au milieu des années 1970, a mesuré, ce ne sont pas les tremblements de terre mais les rafales du vent." Pour contourner le problème, le sismomètre SEIS développé par le CNES et fabriqué par l'industrie française sera protégé par "une espèce de cloche à fromages" : "C'est en fait un paravent qui va nous permettre d'être sûrs que nous mesurons bien les petites vibrations du sol de Mars et non pas des coups de vent."

Mesurer les tremblements de Mars. Le 26 novembre prochain, l'atterrisseur se posera sur Mars. Dans les jours qui suivent, une sorte de bras télémanipulateur prendra le sismomètre pour le poser à la surface de Mars. "Ensuite, on commencera à mesurer les tremblements de Mars, précise Jean-Yves Le Gall. En particulier, les effets de marée. Car Mars a des lunes : Phobos et Deimos. Phobos n'est pas très haut, à 6.000 km d'altitude. Lorsque Phobos passe au dessus d'Insight, qui sera posé à la surface de Mars, la croûte de Mars bouge légèrement parce qu'il y a de l'attraction. C'est cela qu'on va essayer de mesurer."

Des mesures qui devraient permettre d'avoir des informations primordiales sur Mars, selon le président du CNES : "Si InSight est un succès, on saura dans 2 ou 3 ans pourquoi les océans ont disparu, pourquoi le magnétisme a évolué. A partir de là, on aura un indice de plus qui permettra d'avancer."

Reste à savoir si cette mission remplira toutes ses promesses. Jean-Yves Le Gall, lui, est confiant : "Si les Etats-Unis ont accepté d'envoyer cette mission à 500 millions de dollars, avec une participation française de 100 millions d'euros, c'est parce qu'elle va apporter la réponse aux questions que l'on se pose sur Mars."