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Laure Dautriche, édité par A.H. , modifié à
Le mouvement social en cours en Guyane empêche le lancement de la fusée Ariane, ce qui entraîne des millions d'euros de surcoûts pour le groupe Arianespace.
L'ENQUÊTE DU 8H

Après un mois de conflit social en Guyane, le centre spatial guyanais de Kourou est toujours bloqué, l'activité du site toujours paralysée. Une situation qui vire au casse-tête pour Arianespace, le champion français du spatial implanté à Kourou, et champion européen des lancements commerciaux. 

Des retards de lancement. Vendredi dernier, le PDG d'Arianespace a envoyé une lettre aux élus guyanais pour tirer la sonnette d'alarme : le blocage coûte très cher. Kourou est un lieu unique et stratégique pour l'économie spatiale européenne. Et les retards de lancement s'accumulent… Cinq satellites sont aujourd'hui en attente. Deux d'entre eux, un satellite coréen et un autre brésilien, sont même déjà installés en haut de la fusée, dans la coiffe, prêts à être lancés.

Une paralysie qui coûte cher. Plus le temps passe, plus la facture grimpe. Selon les informations d'Europe 1, l'arrêt de la base coûte 500.000 euros par jour à Arianespace et aux autres partenaires présents sur place (par exemple le Centre national d'études spatiales). Pour une entreprise qui a 1 milliard et demi de chiffre d'affaires par an, ce n'est pas énorme. En revanche, il existe un manque à gagner bien plus difficile à mesurer : ce sont les signatures de marché qui ne se font pas. Ce qui fait la réputation d'Arianespace, c'est sa fiabilité, qui s'illustre par ses 77 succès d'affilée. La société est connue pour lancer les satellites à l'heure, en respectant les délais. 

Une réputation sur la table. Le gros risque pour Arianespace, c'est donc de perdre sa réputation. Une partie de ses clients pourrait alors se tourner vers la concurrence. "Le risque, si le conflit perdure, c'est que la fiabilité de la base guyanaise diminue, avec peut-être cette inquiétude de certains opérateurs, qui pourraient se dire : 'finalement, est-ce qu'il n'y a pas un risque en investissant sur une base où on n'est pas toujours sûr de pouvoir lancer au bon moment ?'", avance Olivier Sudrie, économiste spécialiste de l'industrie spatiale. 70% des clients d'Arianespace ne sont pas européens, et certains pourraient donc se tourner vers l'Américain Space X, compétitif en termes de coût.

À Kourou et pas ailleurs. Il est inenvisageable pour Arianespace d'envoyer ses satellites depuis un autre pas de tir que celui de Kourou. En théorie, des fusées russes, envoyées depuis le Kazakhstan, ou américaines, envoyées depuis la Floride, pourraient être compatibles et pourraient lancer certains satellites. Mais il y a aujourd'hui un "embouteillage" pour accéder à l'espace. Tous les lanceurs ont leur calendrier… qui est plein jusqu'à la fin 2018.

Arianespace a encore neuf lancements prévus pour 2017. A priori, les délais devraient être tenus car, coup de chance, la société n'a pas prévu de lancement au mois de mai. Mais selon les experts, il ne faudra pas traîner davantage.