Peut-on refuser les vaccins obligatoires ?

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G.S. , modifié à
Le gouvernement veut étendre le nombre de vaccins obligatoires à onze... tout en travaillant à une clause d'exemption.

Les uns y voient une mesure nécessaire de santé publique, les autres dénoncent une "position autoritaire". Onze vaccins (contre trois auparavant) seront obligatoires pour les enfants dès l'année prochaine, a annoncé mardi le Premier Ministre Edouard Philippe dans son discours de politique générale. Et à en croire un sondage Harris Interactive pour RMC et Atlantico publié mercredi, seuls 49% des Français se disent favorables à cette extension. C'est la mesure qui a le moins convaincu les sondés de toutes celles annoncées par le chef du gouvernement. Un chiffre qui n'est pas étonnant : d'après une étude menée l'an dernier dans 67 pays et publiée dans la revue EBioMedecine, les Français sont les champions de la méfiance envers les vaccins

>> Mais que risquent les parents qui refuseraient de se soumettre à l'obligation vaccinale ? Explications.

De quels vaccins parle-t-on ?

Les vaccins actuellement obligatoires pour les enfants de moins d'un an et demi sont ceux contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). Pour les individus résidant depuis plus d'un an en Guyane française, il est également obligatoire d'être vacciné contre la fièvre jaune, une maladie hémorragique virale. Parallèlement, huit autres vaccins infantiles sont actuellement recommandés par le ministère de la Santé durant les dix-huit premiers mois des enfants : coqueluche, hépatite B, rougeole, oreillons, rubéole, méningocoque, pneumocoque et Haeomophilus infuenza. Si le gouvernement mène à bien sa réforme, tous ces vaccins deviendront obligatoires dès 2018.

Refuser un vaccin obligatoire, ça entraîne quoi ?

Bien qu'ils ne soient pas obligatoires, les huit vaccins recommandés sont déjà inscrits dans le calendrier des vaccinations fixé chaque année par le ministère de la Santé et le Haut conseil de la santé publique. En ce qui concerne l'âge de vaccination, rien ne changera avec la réforme. Le calendrier vaccinal est public, et peut-être consulté en ligne ici ou fourni par votre médecin traitant.

Ce qui va changer, c’est donc simplement le caractère contraignant de la vaccination. Lorsque les vaccins sont obligatoires, le refus des parents est puni par la loi. L’article L3116-4 sanctionne très clairement "le refus de se soumettre ou de soumettre aux obligations de vaccination" "ceux sur lesquels on exerce l'autorité parentale ou dont on assure la tutelle" ainsi que "la volonté d'en entraver l'exécution". La peine peut aller jusqu’à six mois de prison et 3.750 euros d’amende. N’importe qui (médecins, services sociaux, école, etc.) peut donc saisir le procureur de la République pour ouvrir une action en justice lorsqu’il estime que les parents ne respectent pas leurs obligations. Charge à la justice de vérifier que le refus est bien avéré, et que le médecin a bien tout entrepris pour informer les patients de leurs obligations.

Autre conséquence d’un refus de faire vacciner son enfant alors que le vaccin est obligatoire : l’interdiction d’accès à la crèche, à l’école ou au centre aéré, qui sont tenus de demander des preuves de la vaccination.

" L'objectif n'est pas d'avoir des amendes mais de faire de la pédagogie "

Y a-t-il déjà eu des condamnations ?

Fait rarissime : un couple a été condamné en janvier 2016 à deux mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel d’Auxerre. "La protection maternelle et infantile, alertée par un pédiatre, avait transmis leur dossier au procureur de la République après avoir échoué à les faire changer d’avis", raconte Le Monde à l’époque.

Les parents, qui dénonçaient notamment la présence d’adjuvants dans les vaccins et confiaient avoir "l’impression de jouer à la roulette russe" en se faisant vacciner, avaient saisi le Conseil constitutionnel via une question prioritaire de constitutionnalité. Les Sages ne leur avaient pas donné raison, considérant la vaccination obligatoire conforme "à l’exigence constitutionnelle de protection de la santé". Cette décision ne valait, toutefois, que pour les trois vaccins actuellement obligatoires. 

Vers une clause d'exemption ?

Les règles pourraient, toutefois, changer à l'avenir pour ne pas pénaliser trop de parents récalcitrants. Le gouvernement a en effet annoncé réfléchir à l'instauration d'une clause d'exemption pour les parents farouchement opposés à la vaccination de leurs enfants. "Nous travaillons sur une clause d'exemption, c'est-à-dire si vraiment des familles s'opposent absolument, nous essaierons de leur permettre d'éviter la vaccination. C'est compliqué juridiquement", a tenté d'expliquer la ministre de la Santé Agnès Buzyn, jeudi sur RTL. La ministre a tout de même précisé "réfléchir aux sanctions". Mais, a-t-elle ajouté, "ce n'est pas, à mon avis, la meilleure façon d'avancer", ajoutant que "l'objectif n'est pas d'avoir des amendes mais de faire de la pédagogie".