Les secrets de l'Espagne, championne du monde du don d'organes

Selon la loi espagnole, si une personne décédée n'a pas manifesté de volonté contraire de son vivant, elle est présumée donneuse d'organes : le même principe vaut en France depuis le 1er janvier dernier.
Selon la loi espagnole, si une personne décédée n'a pas manifesté de volonté contraire de son vivant, elle est présumée donneuse d'organes : le même principe vaut en France depuis le 1er janvier dernier. © JIJI PRESS/Archives / AFP
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avec AFP , modifié à
Coordinateurs de greffes dans les hôpitaux, formations, communication : l'Espagne a mis en place un système qui lui permet d'être à la pointe depuis 25 ans.

En 2016, 4.818 greffes ont été réalisées en Espagne, dont 2.994 au niveau rénal, selon l'Organisation nationale des transplantations (ONT). Fleuron national, l'ONT permet à l'Espagne de détenir depuis 25 ans le record mondial de donneurs d'organes décédés par million d'habitants: 43,4 en 2016 selon l'ONT. En 2015, le chiffre était de 40,2 en Espagne, contre seulement 28,2 aux Etats-Unis, 28,1 en France et 10,9 en Allemagne, selon des données publiées par le Conseil de l'Europe.

Coordinateur des greffes et acheminement par glacière. En Espagne, chaque hôpital a un coordinateur des greffes. Médecins ou infirmiers, il s'agit souvent de spécialistes des soins intensifs, une caractéristique déterminante que l'Espagne a été la première à mettre en place, souligne Rafael Matesanz, fondateur de l'ONT. Ils sont les mieux à même d'identifier les patients risquant la mort cérébrale ou l'arrêt cardio-respiratoire, deux situations où les organes dits solides (reins, foie, parfois coeur, poumons, pancréas ou même intestin grêle) peuvent encore fonctionner, et donc être transplantés.

 

 

Les acceptations de dons sont aussitôt communiquées à l'ONT, qui recherche le patient le plus adéquat sur ses listes d'attente. S'il est loin, une glacière contenant l'organe est acheminée par les airs, dans le cockpit avec le pilote. L'opération est gratuite, anonyme et ouverte seulement aux résidents en Espagne pour éviter dérives et trafics.

Convaincre les proches d'accepter le principe du don. "Ce qui fait la différence, c'est l'organisation du système. Ce réseau, cette centralisation, c'est la clé" de la réussite espagnole, explique Marie-Charlotte Bouësseau, spécialiste des questions éthiques pour l'OMS à Genève. Environ 10% des besoins de greffes seulement sont couverts au niveau mondial, affirme-t-elle, citant une estimation de l'OMS. "Cela veut dire que 90% (des patients) vont mourir alors qu'ils sont en liste d'attente", dit-elle. Or en Espagne, l'ONT dénombre seulement 4 à 6% de patients décédés en 2016 alors qu'ils étaient en attente d'un organe vital (foie, coeur ou poumon).

L'autre secret du modèle espagnol est la formation et la communication, souligne Rafael Matesanz. Depuis sa création en 1989, l'ONT a formé plus de 18.000 coordinateurs capables de communiquer les "mauvaises nouvelles" et de convaincre les proches du défunt d'accepter le principe du don. Selon la loi espagnole, si une personne décédée n'a pas manifesté de volonté contraire de son vivant, elle est présumée donneuse d'organes - le même principe vaut en France depuis le 1er janvier 2017.