Les casques de réalité virtuelle sont-ils dangereux pour la santé ?

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Nausées, maux de tête, fatigues anormales… Plusieurs pathologies sont soupçonnées d’être liées à une utilisation massive de ces nouveaux bijoux technologiques.

Et si le Père Noël vous offrait… un monde parallèle ? Entre septembre et aujourd’hui, les grands noms de la High-Tech ont mis sur le marché leurs dernières innovations en matière de réalité virtuelle, histoire d’être prêts pour les fêtes. Sony PlayStation, HTC, Samsung et Oculus (Facebook), ont récemment lancé leurs "casques" sur le marché. Le principe ? Vous installez l’un de ces nouveaux joyaux technologiques sur votre tête (et devant vos yeux) et vous voilà plongé dans un univers virtuel à 360 degré. Mais est-ce vraiment sans danger pour la santé ? Problèmes de rétine, de fatigue visuelle, "cybersickness" (mal de la réalité virtuelle")… Avant leur commercialisation, plusieurs médecins s’étaient inquiétés des risques potentiels liés à une utilisation massive de ces "casques". Ces inquiétudes se vérifient-elles dans les faits ?

"Ça reste une source de préoccupation", confie à Europe 1 Gilles Renard, directeur scientifique de la Société française d’ophtalmologie. "Nous n’avons pas eu de retours de manière conséquente, seulement des remontées partielles et non suffisantes pour établir de réelles statistiques. Mais ce sont des choses dont on entend parler. Il y a des ophtalmologues qui font remonter des cas de troubles oculaires", explique le scientifique. Nausées, maux de tête, fatigues anormales, vertiges… Les patients concernés font remontés des pathologies liées à des troubles oculaires et laissant craindre une potentielle implication de ces casques. Pour l’heure, certes, aucune étude ne permet de l’avérer. Mais les scientifiques ont tout de même des éléments pour émettre de quelques soupçons.

" Les yeux indiquent que vous êtes dans un grand huit, mais l’oreille interne et les muscles disent que ce n’est pas le cas "

Comme le souligne le journal suisse Le Temps, en 1997, une équipe de l’Université de Loughborough, en Angleterre, avait déjà analysé des troubles oculaires liés aux premiers casques à réalité virtuelle mis sur le marché dans les années 90. Si les performances graphiques ont considérablement évolué depuis, le système reste le même. En résumé, il provoque un "découplage" entre l’accommodation (lorsque notre lentille fait une mise au point sur un objet) et la convergence  (lorsque les deux yeux louchent sur un objet pour ne pas le voir en double). Avec la réalité virtuelle, l’accommodation se fait sur l’écran du casque, mais la convergence se fait sur ce qui se passe "virtuellement" autour de nous (apparition de personnages, paysages, objets du décor etc.). "Ce phénomène non physiologique explique en partie les nausées que l’on peut ressentir à l’usage d’un casque à réalité virtuelle", explique pour Le Temps Pierre-François Kaeser, responsable de l’unité de strabologie et ophtalmologie pédiatrique à l’hôpital ophtalmique Jules-Gonin, à Lausanne.

Autre effet potentiel : le "cybersickness", ou "mal de la réalité virtuelle", lui aussi susceptible de provoquer des nausées. "En temps normal, le cerveau utilise trois sources de données pour informer l’organisme sur sa position et ses mouvements : l’oreille interne, les muscles et les yeux. Une fois le casque sur la tête, les yeux indiquent que vous êtes dans un grand huit, mais l’oreille interne et les muscles disent que ce n’est pas le cas : cette incohérence des informations sensorielles provoque des nausées", détaille encore Pierre-François Kaeser au journal suisse.

Enfin, et c’est une nouveauté par rapport aux casques des années 90 : les nouveaux produits émettent de la "lumière bleue", une lumière d’une intensité particulière produite par des leds que l’on peut déjà retrouver sur les smartphones. Or, celle-ci, est fortement soupçonnée d’être "toxique" pour la rétine, selon Gille Renard, de la Société française d’ophtalmologie.

" On voit apparaître parfois, chez ceux qui s’obstinent, des problèmes de lentilles convergentes, des effets sur le film lacrymal "

"Dans les utilisateurs de casque, il y a donc ceux qui ressentent comme un ‘mal des transports’ et arrêtent d’utiliser le casque. Puis il y a ceux qui s’obstinent et chez qui l’on voit apparaître parfois des problèmes de lentilles convergentes, des effets sur le film lacrymal ou des pathologies liés au système oculomoteur", analyse le scientifique.

Faut-il tout donc bonnement interdire la mise sur le marché de ces casques ? C’est un peu prématuré. D’une part, les chercheurs ne s’attendent pas à avoir des preuves à valeur scientifique de l’implication réelle des casques dans ces pathologies avant des d’années. D’autre part, une pratique modérée de ces casques peut permettre de réduire les risques. Les spécialistes les déconseillent catégoriquement aux enfants de moins de 13 ans, et incitent très fortement à ne pas les utiliser avant 15 ans.

Enfin, Gille Renard avance aussi l'idée d'une différence de "gammes". Ainsi, les casques les plus sophistiqués (autour de 600 euros) seraient aussi les plus sécurisés. En dessous de 350/400 euros, il est carrément recommandé de les éviter. "Exit", donc, les lunettes 3D à 50 euros et autres casques "low cost".