Le sport sur ordonnance, qu'est-ce que c’est ?

Le médecin, de la même manière qu'il prescrit des séances de kiné, peut désormais prescrire des séances de sport.
Le médecin, de la même manière qu'il prescrit des séances de kiné, peut désormais prescrire des séances de sport. © GREG WOOD / AFP
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Clémence Olivier avec Marie Moley , modifié à
Depuis le 1er mars, les médecins traitants peuvent prescrire sur ordonnance la pratique d'un sport à quelque dix millions de patients soignés en France pour une affection de longue durée.

Une séance de yoga, des cours de basket ou de la randonnée… Les médecins peuvent désormais prescrire du sport aux patients qui souffrent d'une affection de longue durée, conséquence d'un décret, paru en janvier, et entré en vigueur ce mercredi. Environ dix millions de personnes souffrant de diabète, de la maladie d'Alzheimer, de Parkinson, d'un cancer, de sclérose en plaques, ou des suites d'un AVC sont ainsi concernées.

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Un examen de l'état de santé. Concrètement, le médecin, de la même manière qu'il prescrit des séances de kiné pourra prescrire des séances de sport. "Dans un premier temps, un examen de la personne serait effectué par le médecin traitant afin de dresser un état des lieux de son état de santé. En fonction de cela, le médecin essaiera de promouvoir une activité physique adaptée", nous explique Marc Rozenblat, médecin du sport.

Pour aider à la prescription, la Direction Générale de la Santé va mettre à disposition des médecins des ordonnances type et les agences régionales des listes recensant les éducateurs et formateurs spécialisés habilités à dispenser ces activités physiques adaptées (APA). "Si vous n'avez pas un éducateur sportif formé pour prendre en charge le patient cela peut être dangereux", souligne Thierry Bouillet, oncologue à l'hôpital Avicenne de Bobigny. "Il faut des professionnels formés, qui sont au courant de ce qu'est un cancer afin d'éviter, par exemple,  qu'un malade en présence de métastases osseuses se retrouve à faire le poirier dans un cours de yoga alors que cela pourra avoir des conséquences importantes sur son état", précise-t-il.

Non remboursé par la sécurité sociale. La prescription des médecins ne signifie pas que les activités sportives seront remboursées par la sécurité sociale. "Cela ne peut pas être pris en charge par la sécurité sociale car ce n'est pas un acte coté", souligne Valérie Fourneyron, qui a initié la mesure en 2012, lorsqu'elle était ministre des Sports. "C'est difficile de dire : une leçon de tennis adapté vaut une consultation à 23 euros. Il faut des crédits fléchés par les collectivités territoriales, des financements privés, comme pour les réseaux de prise en charge de la toxicomanie".

Un problème pour de nombreux professionnels de santé et associations : "Si l'on considère que l'activité physique est médicament, il faut avoir exactement la même démarche que pour un médicament. On aura pas la même égalité d'accès aux soins et c'est le problème de cette loi. Vous promettez quelque chose que vous ne pouvez pas offrir ", regrette Jean-Marc Descotes, ancien champion de Karaté, fondateur de l'association Camis sport et cancer, contacté par Europe 1.

Toutefois, certaines mutuelles, comme la Maif associée à la Mutuelle des Sportifs, rembourse les frais associés à des activités sportives pour les malades souffrant d'affection de longue durée et ce à hauteur de 500 euros par patient. Des associations ont également mis en place gratuitement des séances de sport pour les malades. C'est le cas par exemple de La Ligue contre le cancer.

Déjà testé dans plusieurs villes. En France, certains médecins prescrivent déjà des séances de sport. Depuis cinq ans, ce même dispositif est expérimenté dans certaines villes pilotes comme Toulouse, Biarritz ou Strasbourg. Dans la ville alsacienne, plus de 300 médecins généralistes peuvent ainsi prescrire à leurs patients une activité physique modérée et régulière depuis 2012.

Un bénéfice pour les patients. L'objectif avec ce décret est d'encourager la pratique sportive dont les bienfaits sont avérés par plusieurs études. Ainsi la boxe, l'escrime ou l'aviron ont été repérés comme étant d'une efficacité notable dans le traitement des suites opératoires des cancers du sein.  On conseille également le rugby à V aux seniors atteints d'Alzheimer et le cyclisme à certains diabétiques. "Le sport va permettre d'éviter les récidives pour les cancers du sein ou du côlon, nous précise le médecin Patrick Michaud, président du comité Loire de la Ligue Contre le Cancer. Cela va permettre aussi de lutter contre les effets secondaires des traitements contre le cancer et notamment contre la fatigue, qui est le premier symptôme. "Le sport est un moyen de réadapter le patient à l'effort physique. C'est aussi une bonne façon de se resociabiliser et de lutter contre la dépression", ajoute le médecin.

"Enfin, on constate un rôle du sport dans la prise en charge de la douleur", remarque Patrick Michaud qui précise qu'il faut toutefois que l'activité physique soit suffisamment intense pour constater une efficacité : "Il faut au moins trente minutes de marche rapide par jour, cinq jours sur sept". "S'il n'y a pas d'intensité, cela ne va pas changer la capacité de l'organisme à éviter la rechute, complète l'oncologue Thierry Bouillet, qui conseille le karaté à ses patients. "Cela doit se faire également dans la durée et la fréquence".

Et pour les caisses de l'Etat. S'il existe un bénéfice avéré pour les patients, cela pourrait permettre aussi de belles économies à l'Etat. Chez les diabétiques, la pratique d'une activité sportive permettrait de réduire de 50% les coûts des soins, précise un rapport du Conseil national des activités physiques et sportives (CNAPS) paru en 2007. 

L'économie globale potentielle serait de 10 milliards d'euros si les 37 millions de Français sédentaires pratiquaient une activité physique et de 500 millions si seulement 5% des personnes sédentaires changeaient leurs habitudes, toujours selon le CNAPS.