Comment lutter contre les "déserts médicaux" du diabète ?

© FRANCK FIFE / AFP
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Les Etats généraux du diabète s’ouvrent mardi, avec pour objectif de réduire les inégalités face à l’accès aux soins. 

Comment améliorer l’offre de soins en matière de diabète en France ? Cette question sera au cœur des Etats généraux de la Fédération des diabétiques qui se sont ouverts mardi. Face à cette maladie qui se caractérise par un excès de sucre dans le sang et touche plus de 4 millions de personnes en France (dont 700.000 l’ignorent), toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne. Pouvoirs publics, patients et professionnels se donnent donc un an pour mesurer précisément les lacunes. Et pour tenter de mettre en place des solutions.

" On peut clairement parler de désert médicaux. Il y a des départements sans un seul diabétologue "

"Dans certaines régions, on peut clairement parler de déserts médicaux. Il y a des départements sans un seul diabétologue", regrette Bruno Verges, diabétologue et président du Conseil scientifique de la Société francophone du diabète, contacté par Europe 1. Les régions les plus en difficulté sont connues. La densité moyenne sur l’ensemble du territoire est de 2,6 diabétologues pour 100.000 habitants. Mais il y en a 0 en Lozère, dans la Creuse et dans l'Yonne, contre 8,6 pour 100.000 habitants à Paris, 4,9 dans l'Hérault, 4,8 dans les Hautes-Alpes, selon le Conseil national de l'ordre des médecins. Le Centre, le Nord et l’Est sont également particulièrement frappées de "sous-densité".

Entre une région Midi-Pyrénées plutôt bien pourvue et une région Centre carrément dépeuplée, le patient peut ainsi attendre entre trois et neuf mois avant de voir un diabétologue (hors situations d’urgence). "Et il n’y a pas que ce problème-là. Un patient atteint de diabète peut avoir besoin de voir un ophtalmologiste, un podologue voire un cardiologue. Et les délais d’attente sont parfois aussi très lents", ajoute Gérard Raymond, président de la Fédération des diabétiques, contacté par Europe 1. Il manque, toutefois, des cartographies précises pour mesurer les écarts entre les régions. Ce sera tout l’enjeu de ces Etats généraux d’en élaborer une.

" C’est le diabétologue qui va pouvoir éviter que les complications arrivent "

Car l’accès à un spécialiste peut être capital pour certains patients. "C’est le diabétologue qui va pouvoir éviter que les complications arrivent. Il va avoir un diagnostic beaucoup plus précis et adapter le traitement en fonction du mécanisme du diabète", explique le professeur Bruno Verges, chef de service au CHU de Dijon. "Il y a plus de neuf traitements différents pour le diabète. Certains patients produisent trop d’insuline, d’autres pas assez. Et si le médecin généraliste est compétent pour assurer un suivi régulier du patient, le diabétologue va être indispensable pour choisir le bon traitement, le contrôler et le réajuster au fil des ans", poursuit-il.

Or, si les patients atteints de diabète de type 1 (caractérisé par une insuffisance d’insuline, souvent génétique) sont obligés d’aller voir un spécialiste, ce n’est pas forcément le cas des patients de type 2 (qui ont un taux de sucre bien trop élevé dans le sang), qui passent donc souvent à côté d’un diagnostic précis. "Beaucoup de ces patients ne vont jamais voir de spécialistes, parce qu’ils sont mal orientés ou parce qu’ils n’ont pas d’offre près de chez eux", déplore ainsi Gérard Raymond. "Malheureusement, beaucoup de patients qui arrivent aux urgences n’ont jamais vu de diabétologues", renchérit le professeur Bruno Verges. Et les complications peuvent aller très loin, jusqu’à l’amputation d’un membre ou une insuffisance rénale aigue, peu importe le type de diabète.

" Le patient doit pouvoir être informé de l’endroit où il pourra trouver un spécialiste  "

Le but de ces Etats généraux est donc d’avoir une vision précise du manque de spécialistes dans certaines régions, mais aussi des solutions disponibles. "Le patient doit pouvoir être informé de l’endroit où il pourra trouver un spécialiste : si ce n’est pas dans son département, c’est peut-être dans une région  limitrophe", insiste Gérard Raymond, président de la Fédération des diabétiques. "Les professionnels doivent également disposés de toutes les informations disponibles pour aider leur patient : tous les généralistes ne savent pas forcément qu’il y a un ophtalmo ou un diabétologue disponible dans leur région. Enfin, on mise aussi beaucoup sur la télémédecine. Si une région manque de spécialiste, on pourra peut-être en trouver dans une autre région, disponible pour une consultation à distance", poursuit-il.

Mais le grand objectif de ces Etats généraux sera aussi de proposer une fluidification des parcours de soin. Selon les associations de patients, certains généralistes, par manque d’information ou par peur que les patients désertent leur cabinet aux profits de ceux des spécialistes, n’ont pas toujours le réflexe d’orienter les patients vers les diabétologues, ce qui peut les décourager à s’installer.

Les Etats généraux qui ouvrent mardi auront donc pour mission de construire un parcours de soin plus codifié, avec une division des tâches claire entre tous les professionnels (généralistes, spécialistes mais aussi pharmaciens ou infirmiers, qui pourraient participer au suivi). En novembre l’an prochain, les différents participants reviendront avec un ensemble de propositions à soumettre à la ministre de la Santé.