Cancer de la peau : "Le soleil, c'est comme l'alcool, il ne faut pas en abuser"

Avant l'âge de trois ans, un enfant ne devrait pas être exposé au soleil. (Photo d'illustration)
Avant l'âge de trois ans, un enfant ne devrait pas être exposé au soleil. (Photo d'illustration) © PORNCHAI KITTIWONGSAKUL / AFP
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Mathilde Belin
Le Dr Marc Perrussel, dermatologue, appelle les Français à changer leur regard sur le bronzage, trop néfaste pour les personnes à la peau claire et pour les enfants. 
INTERVIEW

En 30 ans, les nouveaux cas de cancer de la peau ont plus que triplé en France. Et ce chiffre ne fera qu'augmenter avec le temps, d'après les dermatologues. C'est pourquoi une semaine de dépistage gratuit est organisée chaque année dans l'Hexagone par des dermatologues bénévoles. Avant cette semaine de sensibilisation, qui débute lundi prochain, Europe1.fr revient avec le Dr Marc Perrussel, dermatologue et membre du Syndicat national des dermatologues, sur les risques encourus par l'exposition au soleil chez les personnes les plus à risques. Il appelle notamment à changer notre rapport au soleil, trop souvent perçu comme une source de bien-être et un signe de beauté extérieure.

  •  Pourquoi les cancers de la peau ont-ils triplé en 30 ans ? Les Français sont-ils trop négligents ?

"Dans les années 1970-80, le soleil était considéré comme bénéfique, alors tout le monde a couru sous le soleil. On sait ainsi qu'il va y avoir une augmentation des cas de cancer de la peau jusqu'en 2030-2040, avant de régresser à partir de 2050. On paye cette image du soleil bon pour la peau et pour le moral. Rappelons que le cancer de la peau est un cancer qui tue, le mélanome est un bouton qui tue. Il y a 1.600 décès chaque année dus au mélanome, c'est autant que les accidents mortels de la route. Et 99% des mélanomes sont dus au soleil, cela concerne aussi les cabines de bronzage. Le soleil, c'est comme l'alcool : c'est bon mais il ne faut pas en abuser."

  • Quelles sont les populations les plus fragiles face au soleil ?

"On n'est pas tous égaux devant le soleil. Plus on est blanc, et plus on y est sensible. Les personnes à cheveux roux sont celles qui sont les plus sujettes au cancer de la peau. Mais cela dépend aussi de la région où on se trouve : il y a plus de cancers de la peau en Bretagne qu'en Corse, parce que la qualité de l'air est bonne en Bretagne et ne donne pas cette sensation de chaleur, alors que les UV y sont tout aussi dangereux. Certaines professions présentent également plus de risques : ceux qui travaillent en extérieur, comme les agriculteurs ou les ouvriers du bâtiment, parce qu'ils passent la journée dehors sous le soleil et pas forcément de façon protégée, sont plus sujets à un cancer de la peau.

Enfin, les coups de soleil pris pendant l'enfance sont les plus fatals, car les enfants ont une peau encore immature. Chaque coup de soleil pris pendant l'enfance laissera des marques plus tard car il fait des cicatrices sous la peau, qui viendront muter les grains de beauté en lésion cancéreuse. Jusqu'à 3 ans, il est donc formellement interdit de mettre un enfant sous le soleil. Et entre 3 et 15 ans, l'enfant doit être bien protégé sinon il payera chaque coup de soleil attrapé jusqu'à la fin de sa vie."

Les bons conseils à rappeler :

- Éviter de s'exposer aux horaires les plus à risques, lorsque le soleil est au zénith (11 heures-16 heures)

- Se couvrir de la tête au pied

- Mettre une crème à haute protection (coefficient 50) sur les zones qui ne sont pas couvertes

- Faire chaque année une consultation de dépistage dermatologique, remboursée par la Sécurité sociale

  • Doit-on changer notre perception du soleil "bienfaisant" et "révélateur de beauté" ?

"Il faut faire plus de pédagogie sur l'exposition au soleil. On sait que les cas de cancer de la peau finiront par se stabiliser dans le temps, quand les jeunes auront renversé la tendance. Le bronzage, d'abord mal perçu car il renvoyait aux pauvres qui travaillaient dehors, est devenu ensuite l'apanage des riches qui avaient les moyens de partir en vacances quand l'ouvrier restait à travailler. Depuis 1936 et les congés payés, les gens se ruent sous le soleil. Nous luttons contre cette image positive du soleil : on doit la changer en image négative, et revenir à l'idée qu'une peau blanche et non bronzée peut être aussi jolie, car, de toute façon, elle s'abîmera dès qu'elle s'exposera au soleil.

En effet, les UV, avant de donner un cancer de la peau, accélèrent le vieillissement cutané et favorisent l'apparition de rides, de tâches noirâtres sur la poitrine, de tâches rouges un peu partout… C'est pour ça qu'un marin paraît souvent plus vieux qu'un Parisien du même âge. Alors, quand on cherche à bronzer et qu'on n'a pas la peau pour, c'est une bêtise car on ne l'aura jamais, on va juste cuire de l'intérieur. Ça ne sert à rien, si ce n'est réduire son espérance de vie."