Ordre des infirmiers : faut-il s'inquiéter de sa suppression ?

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Noémi Marois , modifié à
SANTÉ - Il est garant des diplômes des infirmiers et de la déontologie mais un amendement du projet de loi Santé prévoit sa suppression.

Stupeur et division. La planète infirmière est en émoi depuis l'annonce de la possible fin de son Ordre national (ONI). L'Assemblée nationale a en effet voté dans la nuit du 9 au 10 avril sa suppression par 19 voix contre 10 dans le cadre du projet de loi Santé. Même si la mesure doit encore être approuvée par les sénateurs avant un nouveau passage à l'Assemblée, plusieurs syndicats et associations professionnels se sont insurgés mercredi dans une tribune contre cette décision. Mais d'autres accueillent favorablement la suppression d'un Ordre qui, selon eux, remplit mal ses fonctions. 

C'est quoi l'Ordre national des infirmiers ? L'ONI a été créé par décret en 2006 sur la volonté de plusieurs associations professionnelles. Il avait été alors avancé comme argument que les médecins, les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes mais aussi les kinés possédaient leur propre ordre, parfois depuis plus de 50 ans. Les infirmiers constituaient alors la seule profession paramédicale qui en était dépourvue. L'Ordre leur a alors permis de conquérir leur autonomie, "d'être jugés et contrôlés par des pairs plutôt que par des médecins", explique à Europe 1 Annick Touba, présidente du Sniiln, premier syndicat d'infirmiers libéraux. 

Un métier "dont l'accès n'est pas libre". L'ONI a pour principale mission de contrôler l'accès à la profession, qui "n'est pas libre", rappelle l'Ordre. Pour cela, une fois diplômé, un infirmier doit s'y inscrire en apportant la preuve de son diplôme, d'un casier judiciaire vierge et de son bon état de santé. L'Ordre fait de même pour les infirmiers étrangers en vérifiant l'équivalence des diplômes. 

Moins de contrôles = plus d'accidents médicaux ? La suppression de l'Ordre aurait des conséquences funestes pour les patients, estime Sébastien Colson, président de l'Association nationale des puériculteurs(trices) (ANPDE). "Une aide-soignante vient d'être condamnée pour avoir exercé abusivement comme infirmière et c'est l'Ordre qui a pu se porter partie civile contre elle", explique-t-il ainsi à Europe 1. "Les associations professionnelles n'ont ni les moyens, ni la légitimité de faire cela", ajoute-t-il. De même, il existe en France des cas d'auxiliaires-puériculteurs "qui abusent de parents vulnérables et exercent seuls en cabinet" alors qu'ils n'en ont pas le droit ni la compétence, rapporte-t-il. Des abus auxquels l'ONI peut aider à mettre fin, selon l'ANDPE.

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Des femmes de chirurgien utilisées comme infirmières. Contactée par Europe 1, l'Union nationale des infirmiers de blocs opératoires (UNABOIDE) s'inquiète aussi de cette absence de contrôle si l'Ordre était amené à disparaître. Sa présidente Brigitte Ludwig rapporte à Europe 1 qu'actuellement, l'Ordre a sur le feu, suite à des dénonciations, une dizaine d'affaires d'abus, "des femmes de chirurgien, des secrétaires… qui ont exercé comme infirmiers de bloc opératoire car ils coûtent moins cher". Selon elle, même si ces cas sont minoritaires, les patients ont du souci à se faire car "qui va contrôler si l'Ordre disparaît ?". Pour ces syndicats inquiets, les hôpitaux, face à leur masse salariale importante et le turn-over parfois important, ne peuvent remplacer l'Ordre. 

Le premier syndicat des infirmiers libéraux, le Sniil, précise aussi que l'Ordre, grâce à ses instances disciplinaires, peut mettre fin à la carrière d'un infirmier qui n'est plus apte à pratiquer.  "Qui va intervenir si un infirmier a des problèmes d'alcoolisme ou de drogue ?", se demande sa présidente, Annick Touba qui rappelle que les infirmiers aussi sont touchés par ces problèmes, comme les autres professions. 

Un Ordre inutile car incompétent ? Parmi les organisations infirmières, certaines cependant ne regretteront pas l'Ordre s'il est vraiment amené à disparaître. Le contrôle qu'il exerce sur la profession est inutile puisque très incomplet, avance Daniel Guillerm, vice-président délégué de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Sur 500.000 infirmiers en France, seulement 168.000 sont effectivement inscrits à l'Ordre. "Le contrôle systématique des diplômes est de toute façon impossible, même à l'échelle d'un département", selon Daniel Guillerm à cause du nomadisme important de la profession. 

La disparition de l'Ordre n'aurait donc aucune incidence sur la sécurité des soins ? "Avant que l'Ordre ne soit créé en 2006, ce sont les Directions des affaires sanitaires et sociales (Dass) qui surveillaient les éventuels abus dans la profession" et si l'Ordre est supprimé, les "Agences régionales de santé peuvent tout à fait prendre le relais", estime Daniel Guillerm qui ajoute que la justice française est là pour trancher les cas les plus graves. Il juge également que l'Ordre n'est pas une fin en soi, "l'Ordre des médecins n'empêche pas qu'il y ait de faux médecins en France", tranche-t-il.

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