Sarkozy-Royal : vif débat entre les candidats

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A l'approche du second tour de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ont croisé le fer lors d'un débat télévisé dont la courtoisie affichée a été lézardée d'éclairs de virulence à l'initiative d'une candidate socialiste très pugnace. Par instants d'un aplomb bravache face à un Nicolas Sarkozy quelque peu décontenancé, Ségolène Royal, qui accuse cinq points de retard sur son adversaire, a joué son va-tout pour la victoire durant plus de deux heures.

Le débat entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy a commencé à 21h00, heure française. "Pour détendre l'atmosphère", Patrick Poivre d'Arvor, le co-animateur de ce débat avec Arlette Chabot, a demandé aux deux candidats dans quel esprit ils abordaient cette soirée : "Très heureuse d'être ici", a lancé Ségolène Royal. Nicolas Sarkozy a enchaîné : "Concentré parce que nous portons tous les deux une responsabilité : redonner à la vie politique sa dignité".Les pouvoirs du président dans une République moderne"Il faut tirer les conséquences du véritable du tsunami politique de ces dernières années, a estimé Nicolas Sarkozy. "En 2002, Le Pen au deuxième tour, en 2005, les Français ont dit non au référendum. On ne peut donc plus faire de la politique comme avant". Le candidat de l'UMP a ajouté : "J'essaierai, si les Français me font confiance, d'être un président de la République qui prend ses responsabilités. Qui parlera fréquemment aux Français. Je veux une République irréprochable. Je veux un changement très important qui ne s'est jamais produit dans la république française". La question de la violenceSégolène Royal, en veste noire et chemisier blanc a lancé la première charge, en citant des chiffres sur l'augmentation des violences, et en demandant à son adversaire s'il s'en sentait responsable : "Vous parlez des violences ? Oui, je suis responsable, a expliqué Nicolas Sarkozy, en costume bleu marine et cravate rayée. J'ai trouvé une situation qui était catastrophique. Si, en 2002, les Français n'ont même pas qualifié le candidat que vous souteniez pour le 2ème tour, il y avait bien une raison". Ségolène Royal a répondu : "Nous sommes en 2007, nous ne sommes pas en 2002", avant d'évoquer le viol d'une femme policier, il y a quelques jours, à Bobigny, en affirmant : "Si je suis élu, les agents publics seront protégés, en particulier les femmes. Elles seront accompagnées si elles sortent tardivement" de leur lieu de travail. Et d'affirmer : "non, je ne diminuerai pas le nombre de fonctionnaires". La candidate du PS a alors demandé où son adversaire comptait supprimer des postes en évoquant la suppression de "225.000 postes de fonctionnaires". "Ce que je propose, c'est de lutter contre toutes les formes de gaspillage d'argent public", en souhaitant une véritable réforme de l'Etat. L'impunité des mineursReprenant la parole à propos du viol de Bobigny, Nicolas Sarkozy a répondu : "Je propose qu'il n'y ait plus un seul délinquant sexuel qui puisse sortir de prison sans s'engager à suivre un traitement, et sans être obligé de pointer au commissariat de son arrondissement toutes les semaines". Il a alors qualifié de "catastrophique" l'impunité des mineurs, en souhaitant qu'un mineur multi-récidiviste âgé de 16 à 18 ans puisse être puni "de la même manière qu'un majeur". Le bilan de la droiteNicolas Sarkozy a dit qu'il assumait "une partie du bilan du gouvernement" et revendiqué en matière de sécurité une amélioration notable par rapport aux années de la "gauche plurielle", au pouvoir de 1997 à 2002. "Est-ce je suis responsable d'une partie du bilan du gouvernement? Oui, Mme Royal. Vous avez parlé des violences, je suis responsable, j'ai été le ministre de l'Intérieur pendant quatre ans", a déclaré le candidat de l'UMP au début du débat télévisé d'entre-deux tours avec son adversaire socialiste. "Sur les défaillances de la République, gauche et droite nous avons notre part", a-t-il estimé face à Ségolène Royal. La fonction publiqueNicolas Sarkozy veut réduire les effectifs de fonctionnaires. Le candidat de l'UMP souhaite revenir aux "effectifs de la Fonction publique en 1992, époque où François Mitterand était à la présidence de la République". "Je ne sache pas qu'à l'époque la France était sous-administrée", a déclaré Nicolas Sarkozy. Ségolène Royal souhaite pour sa part "maintenir le nombre de fonctionnaires", en les redéployant, "les retirant là où ils ne sont plus nécessaires". La question a entraîné un vif accrochage entre les deux candidats. La dette et la croissanceLes deux candidats du 2ème tour sont passés à la question de la dette et aux moyens pour relancer la croissance : "En Europe, il y a 10 pays qui ont le plein-emploi, a affirmé le candidat de l'UMP. Pas un seul d'entre eux n'a fait les 35 heures. Est-ce que vous allez généraliser les 35 heures à tout le monde, y compris les PME ? a demandé Nicolas Sarkozy, en ajoutant : "Le salaire n'est pas l'ennemi de l'emploi", à propos de l'exonération de charges sur les heures supplémentaires. Ségolène Royal, à qui Nicolas Sarkozy, a reproché de mélanger tous les sujets, est revenue sur le nombre de fonctionnaires, en expliquant qu'elle comptait ré-équilibrer les postes de fonctionnaires, sans en supprimer, ce qu'a contesté son interlocuteur. "Si vous ne pouvez pas faire, pourquoi voulez-vous accéder aux responsabilités ?" lui a demandé la candidate du PS.La lutte contre le chômageSujet suivant : le chômage. Ségolène Royal est la première à s'exprimer : "Je propose de créér les 500.000 emplois tremplin pour les jeunes pour ne pas qu'ils restent plus de six mois au chômage ou sans activité. Et les emploi tremplin, ça ne coûte rien parce que c'est le recyclage des fonds d'indemnisation chômage." Réponse de Nicolas Sarkozy : "Vous êtes dans la stricte logique socialiste du partage du temps de travail qui est une erreur monumentale. Nulle part ailleurs dans le monde, on ne fait ça. Nos salaires sont trop bas. Ce que je propose, c'est la stratégie qui a marché partout. Mon projet : créér 230.000 emplois de plus. Notamment en ne permettant pas de refuser plus de deux offres d'emploi qui correspondent à votre qualification. Il n'y aura plus aucun licenciement économique, si je suis président de la République, sans se retrouver avec un contrat et 90% de l'ancien salaire". Contesté à plusieurs reprises par Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy lui a lancé : "Pourquoi toute personne qui n'a pas votre opinion, le regardez-vous avec ironie, voire avec du mépris ?" Les 35 heures"Pourquoi n'avez-vous pas supprimé les 35 heures ?", a demandé Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy qui les remettait en question. "Parce que vous savez que c'est un progrès social important" a-t-elle poursuivi."Je pense que la deuxième loi sur les 35 heures a été trop rigide", a cependant concédé la candidate socialiste. Questionnée par son rival sur son action concrète sur les 35 heures si elle était élue, Ségolène Royal a préconisé "la négociation entre partenaires sociaux branche par branche". Si les partenaires sociaux ne se mettent pas d'accord, "il n'y aura pas de généralisation des 35 heures dans les entreprises concernées". Nicolas Sarkozy a exposé de son côté sa vision des choses."On garde les 35h pour une durée hebdomadaire du travail", a-t-il dit. Tout ce qui est travaillé au-dessus, 35-39h, est payé plus 25% de salaire. Au delà de 39 heures, plus de 50% de salaires". "Je veux donner la liberté de choisir aux salariés", a-t-il conclu. Sécurité, logement, retraites"Je garantirai l'application des lois Fillon", a d'abord expliqué Nicolas Sarkozy. Ensuite, à propos des régimes spéciaux (EDF, SNCF, RATP, etc), il a expliqué : "Je réformerai les régimes spéciaux par souci d'égalité, et j'augmenterai de 25% les petites retraites". A propos de l'accès au logement, il a lancé : "Mon ambition est de faire de la France un pays de propriétaires. Il y a 12 milions de familles françaises qui aimeraient être propriétaires. Il faut qu'on favorise la propriété, en annonçant plusieurs projets de crédit ou de déduction d'impôt pour ceux qui achètent leur logement." Ségolène Royal lui a répondu que la réforme des régimes spéciaux allait prendre "un certain temps" : "Moi, je veux revaloriser les petites retraites dès mon élection, avec une taxe sur les revenus boursiers", en défendant "la solidarité entre générations". Les impôtsA propos des baisses d'impôts, Nicolas Sarkozy a rappelé : "Nous sommes le pays d'Europe qui a les impôts les plus élevés, donc il faut revenir à la moyenne européenne. Comme nous sommes dans un monde ouvert, si le travail et le capital sont trop taxés, ils s'en vont. On ne peut pas imposer des impôts plus lourds que ce qu'on paie dans les autres pays. il faut donc réduire le train de vie de l'Etat, faire mieux avec moins, (...) supprimer les organismes qui ne servent à rien. C'est la raison pour laquelle je propose qu'on taxe les importations, pour financer la protection sociale des Français." Ségolène Sarkozy a regretté qu'il n'ait pas fait "tout ça pendant cinq ans" : "Quel dommage !" lui a-t-elle lancé, en dénonçant "un problème de crédibilité" : "Ma priorité sera la baisse de la fiscalité sur l'écologie", en évoquant une TVA proche de zéro. A ce sujet, Nicolas Sarkozy a souhaité une TVA à taux réduit à 5% pour les voitures propres et les batiment à la norme HQE : "Si je suis président, je prendrai mes responsabilités et je confirmerai le choix du nucléaire". Il a ajouté : "un pays libre, c'est un pays où chacun peut disposer de la moitié de ce qu'il a gagné". L'écologieAu sujet du réchauffement climatique, Ségolène Royal a prédit une montée des tensions au niveau mondial : "Il faut que la France se remette à niveau. Je souhaite que les industries automobiles françaises mettent au point le véhicule propre qui se verra ouvrir un marché mondial. Je suspendrai l'EPR", a ajouté la candidate du PS, pressée par son adversaire pour dire si elle reviendrait sur la stratégie nucléaire de la France. "Ca veut dire que vous refuseriez le progrès et les centrales de dernière génération", lui a lancé Nicolas Sarkozy. Ségolène Royal lui a conseillé de "réviser un peu" son sujet, en le corrigeant sur l'EPR, "non pas de 4è mais de 3è génération". "Vous êtes écartelés dans votre majorité, entre les Verts et les communistes", a repris Nicolas Sarkozy. ""Il faut diversifier le bouquet énergétique", a conclu Ségolène Royal, sur ce chapitre. "Je ne suis pas pour le tout nucléaire, a poursuivi Nicolas Sarkozy. Mais refuser le développement des nouvelles filières nucléaires, je crois que c'est une erreur". L'écoleNicolas Sarkozy a présenté sa vision de l'école. Le candidat de l'UMP souhaite une école "du respect, de l'autorité et du mérite". Il veut aussi promouvoir une "école qui transmet un savoir". Donnant un exemple d'autorité, Nicolas Sarkozy a expliqué : "Quand le professeur entre dans la salle, les élèves se lèvent. "Je souhaite pour l'éducation nationale une nouvelle politique de l'évaluation", a également souligné le candidat de l'UMP. Pour sa part, Ségolène Royal a dit qu'il fallait "un nouveau pacte de l'école dans la République". "Les enseignants veulent une reconnaissance de leur travail", a-t-elle expliqué. Il y a une souffrance actuellement à l'école, à laquelle s'ajoute la violence en milieu scolaire". "Je remettrais l'éducation au coeur de tout car c'est là que la république tient la France", a soutenu Ségolène Royal. La candidate a promis un service de la petite enfance et souhaite rendre l'école obligatoire dès 3 ans. Nicolas Sarkozy a souligné de son côté : "Je souhaite notamment que les filières professionnelles puissent obtenir les mêmes diplômes que la filière générale. Je vais également mettre le paquet sur l'apprentissage qui est un sujet essentiel". "Je souhaite que toutes les femmes aient une solution pour la garde de leur enfant. A la fin de mon quinquennat, chacun pourra saisir les tribunaux pour obtenir une solution de garde pour son enfant." "Ce n'est pas ma conception de la vie en société", lui a répondu Ségolène Royal en ajoutant que les femmes bénéficieraient du service public de la petite enfance : "Vous allez créér 2.300.000 places en crèche ?", lui a alors demandé Nicolas Sarkozy : "Le droit opposable, ça veut dire que je veux m'engager sur du résultat, sur du concret, et que je ferai une place à chacun des enfants handicapés dans nos écoles, avec la capacité d'aller devant un tribunal, pour faire valoir ses droits". "On atteint le summum de l'immoralité politique et ce que je viens d'entendre est proprement scandaleux", a alors répondu Ségolène Royal, en évoquant des places d'éducateur et d'accompagnateurs que "votre gouvernement" a supprimées : "Je trouve que votre façon, larme à l'oeil, de nous décrire la situation de ces enfants, vous devriez la laisser de côté. Et je suis très en colère". Nicolas Sarkozy a alors répondu : "Calmez-vous". "Non, je ne me calmerai pas", a rétorqué Ségolène Royal. "Je ne sais pas pourquoi Madame Royal, d'habitude calme, a perdu ses nerfs, a poursuivi Nicolas Sarkozy. "Elle se permet d'employer le mot "immoral", de qualifier mon propos de "larme à l'oeil". Ca n'est pas une façon de respecter son concurrent. J'ai le droit de parler de handicap, ce n'est pas votre monopole. Je ne mets pas en cause votre sincérité, ne mettez pas en cause ma moralité". La France et l'Europe"Je veux à nouveau consulter les Français par référendum, pour relancer l'Europe de l'investissement, de la recherche", a expliqué Ségolène Royal. "Les Français ont voté non à la Constitution, nous n'y reviendrons pas, a précisé Nicolas Sarkozy. Si je suis Président de la République, je m'opposerai à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne". A propos de la mondialisation, le candidat de l'UMP s'est dit prêt à "oUvrir nos marchés sur la base de la réciprocité". Enfin, à propos du fonctionnement de l'Union, et de la prise de décision, "il faut revenir sur la règle de l'unanimité, ce qui nous permettrait d'avoir une politique de l'énergie, de la sécurité communes en Europe." A propos de la Turquie, Ségolène Royal souhaite "une pause" et "ça peut changer" puisqu'un processus de discussion est engagé. "Je n'expliquerai pas aux écoliers français que les frontières de l'Europe sont avec l'Irak et la Syrie, a enchaîné Nicolas Sarkozy. Je suis pour l'Europe politique. Je préfère dire aux Turcs qu'on fera un marché commun avec eux mais qu'ils ne feront pas partie de l'Union europeénne parce qu'ils sont en Asie mineure". L'immigrationNicolas Sarkozy a pris l'engagement de ne pas faire de régularisation globale dans sans-papiers : "Chaque fois, nous l'avons payé cher puisque c'est un signal envoyé à tous les réseaux de trafiquants, dans le monde entier. La seule solution possible, c'est le règlement au cas par cas", en précisant que la France devait rester un pays ouvert mais qui "ne peut pas accueillir toute la misère du monde". Ségolène Royal a repris la parole en parlant de problèmes très douloureux : "Je pense qu'aller arrêter un grand-père, devant une école, et devant son petit-fils, ce n'est pas acceptable dans la République française. Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut décider au cas-par-cas, sauf que je ferai les choses humainement." La candidate du PS a demandé à son adversaire de "ne pas jouer sur la misère des gens". Les institutions Pour Nicolas Sarkozy : "Ceux qui promettent la 6e République, c'est en fait le retour à la 4e République. On l'a vu avec le cas du vrai-faux débat avec François Bayrou", a jugé Nicolas Sarkozy. "C'est curieux de demander le changement de république au moment où les Français se déplacent en masse dans les bureaux de vote", a-t-il ajouté. "Je souhaite que le président de la république puisse s'expliquer devant l'assemblée, que le Parlement ait davantage de pouvoir, je souhaite qu'il y ait un véritable statut de l'opposition avec notamment la présidence de la Commission des finances. Pour sa part, Ségolène Royal a estimé qu'elle voulait "faire en sorte que la démocratie parlementaire fonctionne bien". "Il n'y aura plus une seule loi supplémentaire de votée dès lors que la précedente n'est pas appliquée", a-t-elle dit. Ségolène Royal a expliqué que le 49.3 serait "supprimé". "Je veux une opposition respectée. Je veux un Etat impartial", a ajouté la candidate socialiste". ConclusionA la question "qu'est-ce que vous pensez l'un de l'autre", Nicolas Sarkozy a répondu : "Je respecte son talent et elle n'est pas là par hasard. Et je pense qu'on a donné l'image d'une démocratie apaisée et renouvelée". Pour Ségolène Royal, "le débat politique, c'est d'abord un débat d'idées et vous en êtes un partenaire. Et je pense que c'est ce que nous avons eu, ce soir." En conclusion, Nicolas Sarkozy l'a répété : "Je crois à l'action et le mot "fatalité" ne fait partie de mon vocabulaire. On fait des promesses et on les tient. La France m'a tout donné et il est venu le temps, pour moi, à 52 ans, de tout lui rendre. Il n'y a pas de raison qu'on n'ait pas la sécurité et le plein-emploi. La crise morale française, c'est la crise du travail. Je veux protéger les Français face aux délocalisations. Pour moi, tous ont une utilité, ont le droit de travailler. Je ne crois pas à l'assistanat, mais au mérite, à l'effort, et plus que tout, au travail. Je tiendrai scrupuleusement ma promesse et ma parole. (Se présenter à l'élection présidentielle), c'est un don de soi, une véritable ascèse et si les Français me font confiance, je ne les trahirai pas". Ségolène Royal, elle, a voulu s'adresser à ceux qui hésitent encore : "Il est possible pour une femme d'assumer les plus hautes responsabilités. Je suis une mère de famille de quatre enfants. Mes valeurs : la famille, l'école, la valeur travail, la lutte contre toutes les formes d'insécurité. Je ne dresserai jamais les Français les uns contre les autres. Je veux rassembler les énergies de ce pays. Et je veux dire à nos anciens qu'ils seront protégés et que je ferai tout pour assurer l'avenir de la Sécurité sociale. Et je veux construire avec vous, cette France présidente."Le débat aura duré près de 2h40. Frédéric FRANGEUL et Benjamin VINCENT