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A.D
Les primaires sont pour le constitutionnaliste aussi, voire plus importantes que le premier tour de l'élection présidentielle, qui verra "nécessairement" le Front national se hisser au second tour.

Jeudi, salle Wagram, François Hollande laissait entendre qu'il pourrait être candidat en 2017 et se moquait des primaires de la droite. Invité samedi de l'émission C'est arrivé cette semaine, le constitutionnaliste Dominique Rousseau analyse le phénomène des primaires et met en lumière ce qu'elles révèlent de la vie politique actuelle.

"Le tour le plus important est la primaire". "Les primaires sont davantage le symptôme d'un dérèglement du système politique de la Ve République plutôt que leur cause. Jusqu'à présent, on avait une élection présidentielle à deux tours, maintenant on a une élection présidentielle à trois tours. Et le tour le plus important est effectivement la primaire." Le spécialise dénombre trois crises qui expliquent les primaires : "crise du leadership : il n'y a plus de chef naturel. On n'imagine pas une primaire sous de Gaulle ou sous Mitterrand". "Crise des partis politiques, poursuit Dominique Rousseau : les citoyens ne font plus confiance aux partis, il n'y a plus de militants. Ce ne sont plus les partis politiques qui peuvent désigner les candidats. Et enfin, surtout, crise de la bipolarisation. S'il n'y a pas de primaire à droite et à gauche, la droite et la gauche peuvent être éliminées de l'élection présidentielle."

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Si la droite et la gauche se divisent au premier tour de l'élection présidentielle, ils sont morts

"Le danger Front national". Le spécialiste donne l'exemple de l'année 1974, où le débat au sein de la droite entre Giscard d'Estaing et Chaban-Delmas "se joue au premier tour de la présidentielle". Même constat pour Chirac/Barre en 1988, et pour Chirac/Balladur en 1995. "Cela marchait bien parce qu'il n'y avait pas le danger Front national. Aujourd'hui, il y a un Front national nécessairement au premier tour et peut-être même en tête du premier tour. Si la droite et la gauche se divisent au premier tour de l'élection présidentielle, ils sont morts".

"Le camps le plus émietté sera éliminé". Pourtant, certains candidats feront fi des primaires. Henri Guaino, qui n'a pas réuni suffisamment de parrainages pour être candidat à la primaire de la droite, a indiqué qu'il se présenterait quand même aux présidentielles. Jean-Luc Mélenchon ne souhaite pas non plus se prêter au jeu d'une primaire à gauche avec le Parti socialiste. Le spécialiste l'assure : "le camp qui sera le plus émietté sera éliminé du second tour de la présidentielle. C'est mécanique. Le système politique français n'a pas encore compris la logique implacable de l'élection présidentielle. Certains hommes politiques se considèrent comme des hommes providentiels. Mélenchon a une démarche gaullienne, en dehors des partis politiques. Il s'autodésigne comme la candidat du peuple alors que dans une démarche démocratique, il reviendrait aux citoyens de désigner le candidat qu'ils estiment le mieux représenter leurs intérêts." La primaire a, selon le spécialiste, le mérite de faire passer le système de l'autodésignation à une désignation par les citoyens.

Hollande/Sarkozy ? Le constitutionnaliste voit aussi un enrichissement du débat grâce aux primaires de la droite. "Il n'y a pas seulement le buzz. On voit bien qu'entre le programme de François Fillon, d'Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy, il y a des différences. La primaire permet que le débat sorte des partis politiques et oblige les candidats à marquer leurs différences." Paradoxe : Nicolas Sarkozy et François Hollande pourraient être désignés par les primaires, alors même qu'ils sont en crise de légitimité. "S'ils sortent, ils seront relégitimés. Est-ce que le peuple aura eu pour autant raison ?"