Projet de loi antiterroriste : ces amendements auxquels vous avez échappé

Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, devant l'Assemblée nationale pour défendre son projet de loi.
Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, devant l'Assemblée nationale pour défendre son projet de loi. © AFP
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Axel Roux , modifié à
L'Assemblée nationale a retoqué une bonne partie des amendements déposés par les députés de l'opposition. Florilège.

Depuis lundi, l'Assemblée nationale examine le projet de loi antiterroriste visant à transposer dans le droit commun certaines dispositions aménagées de l'état d'urgence. Un débat âpre qui donne aux députés l'occasion de se défouler un peu, à l'image de cet échange entre le député LR Guillaume Larrivé et l'élue LFI Danièle Obono, se renvoyant les qualificatifs d"islamo-gauchisme" et de "christiano-fasciste". Mais, aussi, de laisser court à leur imagination pour défendre une flopée d'amendements, près de 800, visant à réorienter un texte jugé insatisfaisant de part et d'autre des rangs de l'opposition.

Alors que les débats se sont terminés jeudi soir, plus de la moitié des amendements déposés par les députés ont été rejetés par l'Assemblée nationale. L'occasion de dresser l'inventaire des mesures auxquelles vous avez échappé.

Suspendre les allocations aux parents d'enfants radicalisés

C'est son cheval de bataille. Le député UDI des Français de l'étranger Meyer Habib a défendu un amendement visant à suspendre les allocations familiales pour les parents d'enfants condamnés pour "commission d’un acte terroriste" ou "délits d’apologie du terrorisme". Une mesure rejetée qui avait été raillée sur Twitter par Emmanuel Domenach, administrateur de l'association 13 novembre : "Si t'as pas droits aux allocs ton fils ne peut pas se radicaliser. C'est pas possible enfin !"

Pour mémoire, Meyer Habib avait déjà proposé un tel amendement lors de l'étude d'un projet de loi antiterroriste en… 2014. 

Allonger la durée de la garde à vue à 30 jours

Il ne sera pas dit qu'il n'aura pas essayé d'infléchir le texte, ça non. A lui seul, Guillaume Larrivé comptabilise une cinquantaine d'amendements rejetés. Parmi ces revers, ce proche de Laurent Wauquiez a tenté de défendre un amendement visant à porter à 30 jours la durée de la garde à vue dans le cadre d'une procédure antiterroriste, contre six jours actuellement.

Avant d'être rejeté, le député LR s'était emmêlé les pinceaux dans son argumentation, prenant pour exemple le modèle britannique. Selon lui, la mesure de privation de liberté outre-manche irait jusqu'à 42 jours pour les personnes suspectées de terrorisme. Problème : la loi anglaise la limite en réalité à 14 jours.

"Exclure" la Corse du champ de la loi antiterroriste

L'initiative est signée de trois élus nationalistes de l'île, Jean-Félix Acquavivia, Michel Castellani et Paul-André Colombani, et par le député des Pyrénées-Atlantiques Jean Lassalle. Ces derniers ont co-signé plusieurs amendements visant à relier systématiquement  le terme de "terrorisme" à "islamisme radical", et "à cette seule menace".

Une manière d'exclure du champ de la loi antiterroriste le militantisme politique corse. Ces députés l'ont d'ailleurs exposé clairement dans un autre amendement déposé afin d'écarter les "faits commis en relation avec les revendications tendant à modifier le statut de la Corse". Tous ces amendements ont été retoqué.

Expulser automatiquement les étrangers qui ont fréquenté des lieux de cultes liés au terrorisme

C'est sans doute "le" député qui compte le plus d'amendements rejetés, loin devant Guillaume Larrivé. Le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti s'est vu retoquer près de 80 de ses propositions, sans ciller. L'une visait à prononcer automatiquement une mesure d’expulsion contre tout étranger ayant fréquenté habituellement un lieu de culte fermé pour incitation au terrorisme.

Une intention qui se heurte à un léger détail : le droit. "L’expulsion peut être prononcée si la présence en France d’un étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, ce que l’administration  doit apprécier et prouver", explique la juriste Sophie Visade pour le site Les Surligneurs, plateforme spécialisée en "legal checking".  "À défaut, l’expulsion ne serait plus fondée et le juge devrait l’annuler", résume la juriste.  

Créer un "crime d'indignité nationale"

La proposition était défendue par le député FN du Pas-de-Calais Bruno Bilde. Elle vise à créer un crime d'indignité nationale. Une peine inspirée de la peine d’indignité nationale, mise en place à la Libération à l'encontre de personnes ayant soutenu le régime de Vichy, avant d'être supprimée en 1951.

Le débat sur l'opportunité d'une sanction infamante avait d'ailleurs refait surface après les attentats de Charlie Hebdo, notamment sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, alors patron de l'UMP.