Présidentielle : les principaux candidats décryptés par leurs mots

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A.D
Expressions, vocabulaire... Professeure de littérature à l'université américaine Stanford, Cécile Alduy a décrypté les discours des candidats à la présidentielle.
INTERVIEW

Avec un logiciel, elle a analysé 1.350 discours des candidats à l'élection présidentielle. Cécile Alduy, professeure de littérature et de civilisation française à l'université Stanford aux Etats-Unis, était l'invitée de l'émission C'est arrivé demain. Elle passe au crible les mots des politiques.

Des discours de plus en plus policés. On a l'habitude d'entendre que les politiques disent tous la même chose. "En fait, ils parlent de la même manière mais ils ne disent pas la même chose". Identiques sur la forme, il faut donc scruter le fond. "Mon travail, c'était de voir les tendances lourdes sur deux ans et demi de discours au-delà des petites phrases." De manière générale, Cécile Alduy observe "une standardisation du discours. C'est de moins en moins pittoresque, original, mais chacun met en avant des mots clés, des valeurs différentes et a des non-dit sur des zones différentes."

Mélenchon, seul qui a du style. Pour Cécile Alduy, Jean-Luc Mélenchon est "le seul qui a vraiment un style. Il cite les poètes d'Amérique du Sud, il a un parler à la fois populaire et très technique sur l'environnement, il va faire des petites phrases avec des incises, il va haranguer la foule. Les autres ont un langage beaucoup plus lisse. Que ce soit Marine Le Pen ou François Fillon, il n'y a rien qui dépasse, sauf des expressions volontairement répétées pour faire mouche. François Fillon a eu une phrase clé : "Il faut que l'Etat arrête d'emmerder les Français." Pour l'analyste, c'est une démarche "très calculée", martelée, et la reprise d'une phrase "de Pompidou dans les années 70".

Macron, l'émotionnel.Emmanuel Macron se distingue dans le renouvellement du registre. "Il a la même langue technique pour tout ce qui est économique mais dans son adresse à son public, il essaie d'établir une communion affective, émotionnelle. C'est lui qui a dit 'Je vous ai compris' comme de Gaulle mais aussi "Je vous aime", ce qui est totalement inédit dans le discours politique." Selon la professeure, c'est une manière de créer du lien avec une population qui "déteste les politiques".

Fillon, "le chevalier blessé", Hamon le "modeste". Fillon emploie beaucoup le mot "révolution", à peine moins que Mélenchon. "Il exploite le mot, c'est une révolution conservatrice et libérale." Si tous sont dans un vocabulaire guerrier - "François Fillon est le chevalier blessé qui poursuit son combat jusqu'au bout" - Benoît Hamon présente "un ton différent, assez modeste, quotidien, il va parler de ses filles, c'est très concret, il ne prétend pas avoir la vérité."

Le Pen et les droits des femmes.Marine Le Pen est la seule qui parle "autant des femmes et des droits des femmes. C'est une surprise parce que ce n'est pas dans l'ADN du Front national qui a longtemps considéré que l'avortement était un "génocide du peuple français", selon les mots de Jean-Marie Le Pen. Mais depuis les événements de Cologne du 31 décembre 2015, elle s'est emparée du féminisme, après la laïcité.

La culture, grande absente. Reste une grande oubliée dans la campagne : "Tout le domaine de la culture et des arts, ça n'existe pas dans l'horizon des politiques." On parle aussi beaucoup moins de sécurité qu'on aurait pu l'attende, souligne la professeure. Elle résume : "On parle de la campagne et pas des grands sujets."