DPDA : Pourquoi Marine Le Pen a tout gagné

© KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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La présidente du Front national a tenu tête à France 2, en annulant sa venue au tout dernier moment. Un coup de force.

Elle n'a pas parlé, mais tout le monde ne parle que d'elle. On ne l'a pas vue à la télé, mais on la voit partout dans les journaux. En annulant sa venue quelques heures avant le début de l'émissionDes paroles et des actes sur France 2, Marine Le Pen a montré les muscles et démontré sa confiance. Son message : "donner mon temps de parole aux autres candidats, ils en ont plus besoin que moi". Un coup de poker réussi.

• Elle donne du poids à sa stratégie de victimisation

Tel père, telle fille. Marine a beau être en guerre contre Jean-Marie, la politique s'apprend en famille chez les Le Pen. Depuis qu'elle a pris la présidence du Front national, en 2011, Marine Le Pen - qui s'est par ailleurs éloignée de certaines thématiques frontistes traditionnelles - a repris à son compte une vieille tactique de son père : la victimisation. Dit autrement : "nous, au FN, on est boycotté par les médias !"

Une stratégie qui a pour mérite de (re)souder l'électorat FN, sur fond de critique des élites parisiennes qui ne comprennent pas le "vrai" peuple. La présidente du FN en joue très régulièrement, alors même que son bras droit, Florian Philippot, est l'un des hommes politiques les plus présents dans les médias, et qu'elle-même était invitée pour la cinquième fois en quatre ans dans Des Paroles et des Actes, l'émission politique la plus regardée du PAF.

"Vous connaissez beaucoup d'hommes politiques à qui on propose, quelques heures avant le début de l'émission, plus de 3h15 de débats, sans pause ? Non, jamais on ne proposerait cela à une autre personnalité politique !", confirme Bruno Bilde, conseiller spécial de Marine Le Pen, contacté par Europe 1. S'il ne va pas jusqu'à affirmer que le but de ses évolutions de dernières minutes était de la faire trébucher, il y a pensé fortement.

• Elle se place au centre du jeu

Ce même Bruno Bilde l'assure : "avec le sondage qui la place à 46% des voix au second tour (pour les régionales dans le Nord, ndlr), elle n'avait même pas besoin de cela pour être au centre du jeu". Puis ce conseiller de l'ombre ajoute : "elle ne s'est pas laissée faire, elle a marqué des points". Force est de constater que vendredi matin, toute la classe politique ne parle plus que de ce psychodrame.

En attaquant Marine Le Pen sur sa supposée peur du débat, ses ennemis parlent de… Marine Le Pen et non de leur propre projet politique. En s'interrogeant sur l'attitude de France 2 dans cette affaire, les médias parlent de… Marine Le Pen. Et dans les bistros, vendredi matin, on dissertait aussi sur Marine Le Pen. "Sur le marché de Senlis, ce matin, les gens ne nous parlaient que de ça !", atteste Bruno Bilde.

A force de dénoncer à toutes les sauces le "péril frontiste", la classe politique donne le sentiment de se désintéresser des raisons ayant entraîné cette montée du FN dans les urnes. Ce qui donne du poids à Marine Le Pen quand elle dénonce des politiques déconnectés des réalités des Français.

• Elle a ressuscité "l'UMPS"

Jean-Christophe Cambadélis a adressé mercredi une lettre à Nicolas Sarkozy pour lui proposer de saisir ensemble le CSA. Selon les informations d'Europe 1, le patron des Républicains l'a appelé un peu plus tard et les deux hommes ont accordé leurs violons. "Nicolas Sarkozy et Jean-Christophe Cambadélis se sont parlé par téléphone. Ils partagent la même analyse concernant cette affaire", a expliqué l'entourage de Nicolas Sarkozy. Une concorde en guise de cadeau pour Marine Le Pen.

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Quand il a tué l'UMP pour créer Les Républicains, Nicolas Sarkozy voulait, certes, mettre de côté l'affaire Bygmalion qui empoisonne la vie du parti, mais aussi mettre fin à un slogan scandé dans tous les médias par les cadres frontistes : "l'UMPS". En acceptant la main tendue de son homologue socialiste, Nicolas Sarkozy a permis à Marine Le Pen de remettre une pièce dans le juke-box : "parce que je représente des millions d’électeurs français qui ont droit à la considération, à moi, M. Pujadas, on n’impose rien. Surtout quand ces changements de dernière minute visent à obéir aux caprices du système UMPS", a-t-elle balancé dans un communiqué.

"On ne se réjouit pas, mais on constate simplement que l'on avait raison en utilisant ce slogan", estime Bruno Bilde, qui assure que "ce qui frappe les gens avec qui on discute ce matin, c'est la réaction de Sarkozy et Cambadélis. Ils ont été choqués". "Sarkozy et Cambadélis ont fait une belle boulette, le piège était évident !", conclut un député LR dans Le Parisien.