"Pour que les affaires impactent le FN, il faudrait que ce soit extraordinairement grave"

Les affaires s'enchaînent pour Le FN et sa présidente Marine Le Pen, mais les sondages restent très élevés.
Les affaires s'enchaînent pour Le FN et sa présidente Marine Le Pen, mais les sondages restent très élevés. © FREDERICK FLORIN / AFP
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Les affaires qui touchent le FN semblent avoir un faible impact. Pour le politologue Thomas Guénolé, c’est la nature même de l’électorat de Marine Le Pen qui explique ce phénomène.
INTERVIEW

Soupçons de financement illégal de campagne, patrimoines sous-évalués, et plus récemment affaire des assistants parlementaires au Parlement européen, qui rebondit mardi encore avec l’audition de deux proches de Marine Le Pen… En termes de démêlés judiciaires, le Front national n’a pas grand-chose à envier aux autres partis politiques. Pourtant, alors que François Fillon, par exemple, a pris un sévère éclat après le "Penleope Gate", les courbes d’intentions de vote de Marine Le Pen, elles, ne varient pas. Pour Thomas Guénolé, docteur en sciences politiques et auteur du Petit guide du mensonge en politique (ed. Fayard), cela s’explique par la nature de l’électorat du parti frontiste, divisé entre les convaincus et ceux qui veulent faire sauter le système.

Les affaires passent, et Marine Le Pen se maintient autour de 25% d’intentions de vote. Comment expliquer cette stabilité ?
 La première raison est à chercher dans une étude publiée le 2 février dernier par Radio France sur la perception des médias par l’opinion. On constate une défiance généralisée, mais particulièrement forte chez les électeurs du Front national. Les sympathisants FN préfèrent désormais, plus encore que les autres, s’informer sur des sites d’information non-professionnels ou sur les réseaux sociaux. Donc quand l’information sur les affaires du Front national leur parvient, c’est par le prisme des sites de désinformation et complotistes. Ça explique que les affaires glissent sur le parti comme l’eau sur les plumes d’un canard.

Ou alors les informations parviennent à ces électeurs convaincus par le biais des médias "officiels" ou des élites, elles sont par conséquent d’emblée disqualifiées. Donc ce vote d’adhésion, qui pourrait être impacté, est en fait encouragé.

Ça c’est pour le vote d’adhésion donc. Et pour le vote protestataire, qui compose une partie non négligeable de l’électorat du FN ?
Ces électeurs-là ont une démarche plus stratégique. Ils votent Front national comme on jette une grenade dans l’urne. Donc qu’il y ait des affaires ou pas ne change rien, puisqu’il s’agit de faire sauter la banque.

Dans ces conditions, la défense du Front national, qui consiste à crier au complot, est toute trouvée…
 Oui, cette défense est bien pratique, et elle est habile bien sûr. Mais il ne faut pas oublier que beaucoup de cadres du Front national sont bel et bien persuadés qu’il existe un complot contre leur parti. Outre ceux qui savent qu’ils ont éventuellement fauté, si les faits qui leur sont reprochés sont prouvés au final, il y en a donc beaucoup qui déroulent cette défense avec une grande conviction.

Aucune affaire ne semble donc susceptible de faire baisser le Front national dans les intentions de vote ?
 Pour que le Front national soit impacté, il faudra qu’il soit touché par une affaire extraordinairement grave, qui touche par exemple à la sécurité de l’Etat ou à une affaire très sérieuse de mœurs, susceptible de choquer la population. Finalement, ce qui ferait vraiment baisser le Front national, ce serait des changements structurels très profonds : que le chômage de masse baisse, que les inégalités dans la société française diminuent. Car les affaires, pour le FN, ça ne change rien.