Nicolas Hulot, un ministre démuni

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Hélène Jouan, cheffe du service politique d'Europe 1
Porte-parole d’une écologie militante au sein d’un exécutif à la logique productiviste, Nicolas Hulot subit également la pression des lobbys. Quelle marge de manœuvre reste-t-il au ministre de la Transition écologique ? 

"Les lobbys, je peux les sentir en permanence sur mes épaules". Une petite phrase lâchée par Nicolas Hulot dans les colonnes du Parisien. Mais quelle pression pèse réellement sur les épaules de Nicolas Hulot en tant que ministre de la Transition écologique ? À chaque fois qu’il veut bouger une ligne, ce sont des herses qui se hérissent. Dernier exemple en date, la loi hydrocarbure visant à stopper la production française de pétrole, une paille par rapport à notre consommation, et bien tout le monde est monté au créneau : les opérateurs qui avaient déjà des permis, les collectivités qui bénéficient de quelques retours de taxes, les élus qui se mobilisent pour les emplois. Résultat, Nicolas Hulot a avancé, mais d’un demi-pas, la loi prévoit désormais une "fin progressive".

Des experts aux intérêts cachés. Quel que soit le sujet, le diesel, l’agriculture, les loups, la vivisection… tiens même la vivisection, il y a toujours un prix Nobel de médecine pour expliquer que s'il y met fin, ce sont des enfants qui mourront à cause de lui, car ils n’auront pas pu bénéficier des expérimentations sur les animaux. Les lobbys industriels, professionnels, sont partout, plus cachés qu’auparavant en raison d’une porosité plus grande aussi entre le public et le privé. Les experts ne sont plus simplement de grands "sachants" qui défendent l’intérêt général, mais ils sont souvent liés à des intérêts plus privés, dont le but est bien de conserver leurs rentes.

Un ministre sans force politique... Nicolas Hulot est-il en capacité de bousculer ces lobbys ? C’est toute la question ; il a topé avec Emmanuel Macron parce qu’il lui a fait confiance. Mais, comme dirait le président qui aime à citer Levinas, "la confiance, c’est le problème de l’autre". Le ministre n’a rien dealé de précis, même pas le sort de Notre-Dame-des-Landes. Son propre cabinet n’est pas totalement à sa main, il n’a pas de force politique constituée pour peser à ses côtés, il n’a pas fait de sa propre fondation un bras armé qui aurait pu l’aider à engager un bras de fer et il est très isolé dans un gouvernement qui n’a jamais fait sienne l’idée de remettre en cause la logique productiviste, qu’elle soit industrielle ou agricole.

... Mais avec une parole libre. Au sein de l’exécutif, Nicolas Hulot est dans la position d’un homme qui détient la bombe atomique, pas banal pour un écolo. Sa bombe, c’est lui : sa sincérité, son engagement, et son rapport à l’opinion publique. S’il devait partir, ce serait une déflagration pour Emmanuel Macron à qui il a apporté le crédit de l’écologie. Pour l’instant, il sert au moins à poursuivre l’œuvre de conscientisation de la société, mais tous ceux qui croient à l’urgence de cette cause attendent désormais de lui qu’il fasse avancer les choses, qu’il trouve des compromis sans compromission pour rendre les choses "irréversibles" comme il veut le croire. Son prochain test ? Le plan logement, qui pourrait remettre en question certaines clauses environnementales pour relancer la construction. On va mesurer là son efficacité.