Loi Sapin II : brève accalmie chez les socialistes

L'ensemble des députés socialistes a voté la loi "Sapin II", consacrée pour l'essentiel à la lutte contre la corruption.
L'ensemble des députés socialistes a voté la loi "Sapin II", consacrée pour l'essentiel à la lutte contre la corruption. © DOMINIQUE FAGET / AFP
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Romain David
Le vote mardi de la loi "Sapin II", sur la lutte contre la corruption, a réuni les députés PS après des semaines de déchirement autour du projet de Myriam El Khomri.

Le PS est-il sur le point de retrouver son unité ? Le projet de loi dit "Sapin II" a fait largement consensus à gauche, après des semaines de déchirements autour de la loi Travail. Le texte, adopté mardi par 304 voix contre 199 et 45 abstentions, a obtenu l’approbation de l’ensemble des députés socialistes présents dans l’hémicycle.

Lutte contre la corruption. Ce projet de loi, relatif "à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique", prend la suite d’une première législation déjà présentée par Michel Sapin, en 1993, sous le gouvernement Bérégovoy. Surtout, elle répond aux remontrances faites par l’OCDE à la France en matière de lutte contre la corruption. Parmi ses dispositions phares, le nouveau texte prévoit la création d’un répertoire national des représentants d’intérêts incluant les lobbies, la création d’une agence française anticorruption, l’encadrement du salaire des grands patrons, une protection des lanceurs d’alerte, ou encore la possibilité de poursuivre en France un responsable pour des faits de corruption commis à l’étranger.

Trouble. Un point sensible néanmoins : l’assouplissement des règles d’entrée dans certains métiers de l’artisanat n’a pas manqué de chiffonner l’aile gauche de l’hémicycle. Comme annoncé par leur président André Chassaigne, lors d’un point presse, les députés FG se sont abstenus. Contacté par Europe 1, Christian Paul, chef de file des frondeurs, estime qu’il s’agit d’une "dérégulation" qui ne réduira pas le nombre de chômeurs. "C’est souvent de Bercy, de Macron, que vient ce genre d’inspiration", souffle-t-il. "C’est le paradoxe du débat économique actuel en France : on veut un pays qui atteigne l’excellence dans un certain nombre de domaines, et pourtant on procède à des déqualifications dans l’espoir de lutter contre le chômage de masse", analyse-t-il.

Le PS rassemblé. Néanmoins, l’aile gauche du PS a voté le texte, car, "dans l’ensemble, il va dans le bon sens", assurait avant le scrutin Christian Paul. "Il est certain que nous aurions voulu une loi plus volontariste. Nous ne reprochons pas seulement au gouvernement de faire des propositions dangereuses, comme avec la loi Travail, mais de ne pas aller assez loin", nuance encore le député de la Nièvre.

Pour autant, le responsable politique refuse d’évoquer "une séquence" d’apaisement au sein du groupe socialiste, alors même que la loi Travail, objet de tant de discordes, doit revenir à l’Assemblée après sa réécriture par le Sénat, majoritairement à droite. "Nous avons décidé de voter les lois quand elle vont dans le bon sens, et de nous opposer à celles qui sont dangereuses pour les Français, et dont l’élaboration ne respecte pas les règles du débat démocratique", explique-t-il.

De son côté, l’exécutif agite l’épouvantail d’une réécriture ultra-libérale du texte par la chambre haute du Parlement, vraisemblablement pour ramener l’attention sur le clivage gauche/droite, plutôt que sur les déchirements internes du PS. "La droite a l'intention de durcir le texte, pour en faire un texte ultralibéral, destructeur des droits sociaux ", souffle un conseiller de l’Elysée au Figaro.

La barre à droite. Les sénateurs ont entamé lundi 13 juin l’examen en séance du projet de loi Travail, déjà passé au crible par la commission des Affaires sociales. À cette occasion, les élus ont notamment remis à 39 heures hebdomadaires la durée de référence légale du travail et sont revenus sur les 24h hebdomadaires minimales du temps partiel, en laissant le soin à la négociation collective de fixer la durée minimale du temps de travail. La règle majoritaire des 50% pour les accords d’entreprise a également sauté.

"Ce qui se joue aujourd’hui, au Sénat, c’est la primaire de la droite", explique à Europe 1 Corinne Narassiguin, porte-parole du PS. "On est face à une vision très libérale qui s’affirme parce que les candidats rentrent en campagne. Le risque c’est que tout ce qui se passe au Sénat passe inaperçu aux yeux des Français, avec l’Euro, et que les dissensions socialistes se retrouvent au premier plan, lorsque le texte reviendra à l’Assemblée nationale", déplore-t-elle.

Compromis. "Le gouvernement crie ‘Au secours, la droite revient !’ En tous cas, ça n’entraîne pas l’adhésion de l’Assemblée nationale", estime Christian Paul, pour qui l’exécutif a sa part de responsabilité dans la droitisation du texte : "Lorsque l’on bouleverse la hiérarchie des normes, on ouvre la voie à une offensive libérale." Les frondeurs ont lancé une série d’auditions des syndicats de salariés afin de lister les principaux désaccords sur le texte. Ils espèrent, grâce à ces travaux, pouvoir proposer un compromis avec le gouvernement, explique Christian Paul. "Mais si on reste sur le texte validé par le 49-3, le débat sera extrêmement tendu", avertit le frondeur.