Le MoDem peut-il encore exister au sein de la majorité ?

Le MoDem de François Bayrou veut peser sur le volet social de la politique gouvernementale.
Le MoDem de François Bayrou veut peser sur le volet social de la politique gouvernementale. © DAMIEN MEYER / AFP
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M.B. avec AFP , modifié à
Le parti centriste, réuni en Congrès le week-end dernier, tente d'exister alors que son alliance avec une majorité pléthorique le rend difficilement audible.

Comment être un allié tout en cultivant une singularité suffisante pour ne pas disparaître ? C'est tout le dilemme qui se pose au MoDem et à son président, François Bayrou, réélu sans difficulté le week-end dernier lors du congrès de son parti. Les centristes, pourtant bien présents à l'Assemblée avec une petite cinquantaine de députés, ainsi qu'au gouvernement avec une ministre et une secrétaire d'État, sont difficilement audibles. Mais comptent sur les élections européennes d'une part, et le volet social de la politique gouvernementale d'autre part, pour exister.

LREM n'a pas besoin des centristes. La position de François Bayrou n'est pas simple. Ferme soutien d'Emmanuel Macron pendant la campagne, il continue de l'être après l'accession de celui-ci à l'Élysée. Tout juste se permet-il parfois quelques notes dissonantes, comme sur la réforme de l'ISF qu'il avait jugée "déséquilibrée" et "pas juste" en octobre dernier. À l'Assemblée, les 47 députés MoDem tentent certes d'infléchir certains textes. On avait notamment vu Laurence Vichnievsky, ancienne magistrate devenue députée du Puy-de-Dôme, ferrailler sur le projet de loi sécurité intérieure. Mais avec ses plus de 300 élus, La République en marche! n'a pas besoin des centristes pour avancer au pas de charge.

Phagocytage. La fidélité du MoDem et de François Bayrou est certes récompensée par la macronie. Invité au congrès du parti centriste le week-end dernier, le Premier ministre Edouard Philippe a salué "une majorité forte, équilibrée, diverse politiquement et très fortement animée par une force aimantée". Le MoDem est "un partenaire exigeant en privé et solidaire en public, ce qui est préférable à l'inverse" –et  bien pratique pour la majorité.

Mais derrière l'opération de câlinothérapie, c'est bien l'impression d'un phagocytage qui se profile. D'autant que le poids politique du MoDem au sein du gouvernement a considérablement baissé après les démissions en cascade de François Bayrou, Sylvie Goulard et Marielle de Sarnez en juin dernier. Le ministre d'Etat, la ministre de plein exercice et la ministre rattachée auprès d'un ministre ont été remplacés par Jacqueline Gourault, rattachée à Gérard Collomb, et Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de Florence Parly, la ministre des Armées. Toutes deux sont moins connues, à des postes moins influents.

" Le MoDem est un partenaire exigeant en privé et solidaire en public, ce qui est préférable à l'inverse. "

Projet social. Pour trouver sa place, le MoDem mise donc sur sa complémentarité avec La République en marche!. Le parti centriste dispose d'un "héritage" et d'une "structure", a rappelé François Bayrou ce week-end. Un moyen de souligner, en creux, que LREM reste une formation politique jeune, au maillage local insuffisant. Plus concrètement, le MoDem espère peser sur les politiques gouvernementales, en s'engouffrant dans ce qui, pour l'instant, apparaît comme une brèche : le volet social.

Délaissé, ou du moins reporté par le gouvernement, qui s'est jusqu'ici surtout concentré sur les réformes économiques, le sujet pourrait s'imposer avec beaucoup d'acuité l'année prochaine. Et François Bayrou y tient. "Notre projet ne peut pas être accompli si on ne met pas sur le même degré d'urgence le redressement économique du pays et un projet social pour la France", a déclaré le président du MoDem pendant le congrès. Pour lui, il faut trouver un nouveau modèle. "Un projet social, ce n'est pas uniquement un projet de distribution d'argent public, mais que chacun des citoyens puisse saisir sa chance."

Cap sur les européennes. L'autre angle d'attaque du MoDem, ce sont les élections européennes de 2019. Lors du congrès, François Bayrou a répété qu'il souhaitait bâtir une "maison commune" avec LREM pour ce scrutin. L'enjeu est crucial pour un parti centriste qui s'est toujours positionné comme résolument pro-européen. Alors que les européennes seront le premier test électoral du quinquennat et que l'opposition d'extrême droite comme d'extrême gauche compte bien imposer un débat sur le sujet, le MoDem ne peut pas perdre du terrain sur ce créneau.

Du côté du parti de la majorité, l'idée plaît : Christophe Castaner a déclaré qu'il souhaitait "organiser une liste élargie" en s'alliant avec le MoDem. Et n'a pas écarté la possibilité que cette liste soit menée par François Bayrou lui-même. Ce qui permettrait à l'éphémère ministre de la Justice, qui n'a plus désormais que son mandat de maire de Pau, de retrouver des responsabilités au niveau national.