Hollande pourra-t-il prendre le train ?

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Fabienne Cosnay , modifié à
S'il est élu président, le candidat PS entend privilégier ce mode de transport. Réaliste ?

Il le promet depuis qu'il s'est déclaré candidat. François Hollande veut être "un président normal". À "présidence normale", moyens de transports "normaux". Alors qu'il se rendait dans l'Aisne, mardi, à bord d'un TER, le candidat socialiste a confié qu'il comptait toujours "se déplacer en train", s'il était élu, le 6 mai prochain.

"Le train, quand c'est possible, c'est le moyen le plus simple d'aller d'un point à un autre. Si je suis élu, je continuerai de me déplacer ainsi", a dit François Hollande. Manière, donc, pour le candidat socialiste d'entretenir l'image du président normal, qui prend le train comme n'importe quel Français. Mais ce désir de normalité de François Hollande pourrait provoquer des soucis en cascade.

Moins coûteux que l'avion

"Si je suis président de la République, je continuerai à avoir ce souci-là, de la simplicité et de l’économie", a justifié le candidat socialiste. Car prendre le train coûte évidemment moins cher que prendre l'avion. René Dosière, député apparenté PS et spécialiste des comptes de l'Elysée, a d'ailleurs dénoncé, dans son livre L'argent de l'Etat, un recours abusif aux avions par Nicolas Sarkozy pour ses déplacements en France.

En moyenne, le chef de l'Etat a passé 24 heures par semaine dans les airs. "À raison de 20.000 euros l'heure de vol à bord de l'Airbus, et 7.000 euros à bord du Falcone, la facture grimpe rapidement", souligne René Dosière, contacté par Europe1.fr. Pour le député donc, le recours au train permettrait de "faire de réelles économies". A condition de revoir les règles drastiques qui entourent aujourd'hui le déplacement ferroviaire d'un président.

Sarkozy ne l'a pris que deux fois

Le train, Nicolas Sarkozy ne l'a pris que deux fois en l'espace de cinq ans. Et pas uniquement parce qu'il aime l'avion. "Pour des raisons de sécurité", avait-il confié, le 23 février, alors qu'il prenait le TGV pour Lille. "Je l'ai pris comme ministre et candidat, je l'ai pris une fois comme président (...) mais les règles font qu'il faut garder chaque pont, alors j'y ai renoncé parce que c'était trop lourd", avait expliqué le chef de l'Etat. Une vieille réglementation dispose en effet que tout déplacement du président en train doit s'accompagner d'un contrôle des ponts du réseau ferroviaire. Concrètement, chaque pont doit être gardé par un membre des forces de l'ordre.

Prendre le train est tout sauf simple, pour un président. En juillet 2011, Guillaume Pépy confiait avoir dissuadé Nicolas Sarkozy de multiplier ses déplacements en train. "On ne le souhaite pas vraiment parce que cela entraînerait une mobilisation de forces de police extraordinaire", avait reconnu le patron de la SNCF.

"On ne peut pas faire demi-tour avec un train"

La SNCF va-t-elle aussi dissuader François Hollande, s'il est élu le 6 mai prochain ? Officiellement, non. "On fera ce qu'il nous demande et les services de l'Etat feront de même", assure-t-on à la SNCF. Même si la circulation ferroviaire n'est pas forcément compatible avec l'emploi du temps surbooké d'un chef de l'Etat. "En cas de problème, on ne peut pas faire demi-tour avec un train", confie, amusé, un responsable de la SNCF. Les retards font aussi partie du jeu. À prendre ou à laisser pour un président pressé. Lors de son déplacement à Lille, le TGV dans lequel circulait Nicolas Sarkozy était parti avec plus de 20 minutes de retard suite à une intervention des forces de l'ordre "pour cause de colis suspect".

Contacté par Europe1.fr, la direction générale de la police nationale (DGPN) ne souhaite pas commenter la déclaration de François Hollande. Mais sous couvert d'anonymat, des policiers expérimentés doutent de sa faisabilité. À la présidence "normale" voulue par le candidat socialiste, un fonctionnaire de police oppose "le principe de réalité". "Ce sont des effets d'annonce qui ne peuvent pas être suivis d'effets", estime-t-il."Même si au départ, il y a la volonté d'être simple et normal, ça ne durera pas longtemps", pronostique-t-il.

Un président dans un train ? "Facteur de troubles"

Au-delà des mesures de sécurité, le déplacement d'un chef de l'Etat en train pourrait aussi être "facteur de troubles". "Un président de la République et les services de l'Etat ne peuvent pas accepter qu'un tel déplacement entraîne un risque de manifestations ou d'interpellations", confie un autre policier.  "Peut être que le candidat changera d'avis quand il sera devenu président", ironise un responsable de la SNCF.