Fusion PS-Les Républicains : Valls entre conviction et stratégie

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R.D. avec Antonin André , modifié à
En proposant la fusion des listes de droite et de gauche pour contrer le FN aux régionales, le Premier ministre réaffirme une conviction profonde. Mais pas seulement…

A quoi joue Manuel Valls ? Alors que le Premier ministre a répété jeudi soir qu’une fusion entre les listes de droite et de gauche là où le Front national risque de l’emporter aux régionales était envisageable, la question hante sans doute les esprits dans le camp socialiste. Car d’une part, l’idée fait l’unanimité contre elle, à droite comme à gauche, et d’autre part elle ne manquera pas d’être exploitée par Marine Le Pen et ses lieutenants, qui entonneront leur refrain préféré, celui de l’UMPS. Mais Manuel Valls, quasiment seul contre tous, persiste. Il y a à cela deux raisons : de la conviction certes, mais aussi du calcul ensuite.

Acte politique lourd. Si Manuel Valls persiste ainsi, c’est d'abord par stratégie politique. Certes, ni la gauche ni la droite ne veulent d’une fusion, et le Premier ministre semble s’isoler. Mais si au final, notamment à cause de ce refus de la fusion, Marine Le Pen remporte la victoire dans le Nord, ou sa nièce Marion Maréchal-Le Pen en Paca, lui ne sera pas complice. C’est le genre d’acte politique lourd avec lequel Manuel Valls veut se bâtir une image d’homme d’Etat. Avec l’Elysée en tête. 

Manuel Valls mise aussi sur une recomposition du paysage politique tout entier, dont le cas du Nord-Pas de Calais-Picardie serait un précurseur et dont la présidentielle et les législatives de 2017 seront, pense-t-il, l'éclatante illustration. Avec d'un côté le Front national et de l'autre les forces républicaines contraintes de travailler ensemble pour constituer une majorité.  En privé, le Premier ministre s’appuie sur le modèle allemand où socialistes du SPD et droite du CDU gouvernent ensemble. Le tripartisme installé en France, avec un FN largement devant, nous y conduira, dit en substance Manuel Valls. Qui se pose là en visionnaire. 

Une conviction presque ancrée dans ses gènes. En l’espèce, on ne pourra pas reprocher à Manuel Valls son inconstance. De tout temps, l’actuel Premier ministre a fait du combat contre le Front national l’un de ses marqueurs politiques. Et encore davantage depuis son arrivée à Matignon. Aux européennes de 2014 comme aux départementales de mars 2015 et pour ces régionales donc, le chef du gouvernement a fait de la lutte contre le FN sa priorité. Et s’est placé en première ligne, quand d’autres leaders de la gauche, qui lui intiment aujourd’hui de se taire, comme Martine Aubry, sont restés très discrets.

C’est que chez Manuel Valls, le combat contre l’extrême droite est presque dans ses gènes. Son père, un immigré espagnol, était farouchement opposé au régime franquiste et lui-même, né à Barcelone, naturalisé à 20 ans, a longtemps été un étranger en France. C’est donc une conviction profonde qu’il a réaffirmée jeudi soir, au risque de froisser la gauche, mais aussi François Hollande. Car si officiellement le président de la République ne se mêle pas des régionales, officieusement, il est hostile à la fusion avec la droite.