État d'urgence : l'interdiction de participer à des manifestations censurée

L'état d'urgence ne pourra plus interdire de manifestations d'après le Conseil d'État
L'état d'urgence ne pourra plus interdire de manifestations d'après le Conseil d'État © THOMAS SAMSON / AFP
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avec AFP , modifié à
Les Sages ont estimé que le pouvoir donné au préfet d'"interdire le séjour" à certains endroits et à certaines dates de personnes était trop étendu. 

En pleine controverse sur les projets sécuritaires de l'exécutif, le Conseil constitutionnel a censuré vendredi une disposition de l'état d'urgence utilisée l'an dernier pour empêcher des centaines de personnes de manifester contre la loi travail.

Une disposition trop étendue. Les Sages ont estimé que le pouvoir donné au préfet d'"interdire le séjour" à certains endroits et à certaines dates de personnes "cherchant à entraver l'action des pouvoirs publics" était trop étendu. L'abrogation de cet article de loi de 1955 ne sera effective que le 15 juillet, date à laquelle prend fin l'état d'urgence. Le président Emmanuel Macron entend toutefois demander au Parlement que ce régime exceptionnel soit prolongé jusqu'au 1er novembre.

Le Conseil constitutionnel a relevé que cette mesure d'interdiction de séjourner et de circuler pouvait être prise "sans que celle-ci soit nécessairement justifiée par la prévention d'une atteinte à l'ordre public". Et donc sans aucun rapport avec la menace terroriste. Un simple soupçon d'"entrave" à l'action des pouvoirs publics suffit.

Une décision "remarquable". C'est sur cette base que le jeune homme qui a saisi le Conseil constitutionnel a été empêché de "séjourner dans certaines rues et arrondissements de Paris" lors d'une grande manifestation contre la loi travail, le 28 juin 2016. Son avocat, Raphaël Kempf, a salué une décision "remarquable" et déclaré : "En démocratie, il faut pouvoir manifester et entraver légalement l'action des pouvoirs publics." Il a toutefois regretté que cette disposition "contraire aux libertés fondamentales", survive jusqu'au 15 juillet.

Selon Amnesty International, quelques 639 mesures de ce type ont été prises "explicitement" pour "empêcher des personnes de participer à des manifestations", contre la loi travail et à l'occasion de la COP 21 notamment. Les Sages ont estimé que cette atteinte à la liberté d'aller et venir "devait être assortie de davantage de garanties".

Des magistrats vent debout contre la loi sécurité. C'est la septième fois depuis les attentats de novembre 2015, date de sa proclamation, que le Conseil constitutionnel se prononce sur l'état d'urgence, mais cette dernière décision intervient dans un contexte particulier. Les fuites dans Le Monde de l'avant-projet de loi anti-terroriste prévu pour l'automne suscitent en effet l'indignation des magistrats et associations de défense des libertés publiques, qui dénoncent une "perfusion" de l'état d'urgence, censé être dérogatoire et limité, dans le droit commun.