Erika : des plaidoiries à un milliard d'euros

  • Copié
Administrator User , modifié à
Après trois mois et demi de procès, les avocats de 96 parties civiles ont commencé à plaider pour obtenir un jugement historique. Le but est d'obtenir réparation pour les préjudices matériel et moral mais aussi pour le "préjudice écologique". Les avocats réclament un total d'environ un milliard d'euros aux 16 prévenus du procès du naufrage du pétrolier Erika en 1999, dont le groupe Total et deux de ses filiales. Le jugement doit ensuite être rendu fin 2007 ou début 2008.

Le procès de l'Erika est entré dans sa phase finale après trois mois et demi d'audience. Les plaidoiries des parties civiles ont débuté pour six jours puis le parquet fera ses réquisitions à partir du 4 juin. Ensuite Total pourrait faire plaider plusieurs avocats. 96 parties civiles, l'Etat, les régions Pays de la Loire, Bretagne et Poitou-Charentes, les départements touchés par la marée noire de l'Erika (Vendée, Loire-Atlantique, Finistère et Morbihan), des dizaines de communes et d'associations ainsi que des personnes privées, réclament un jugement historique. Tous leurs avocats sollicitent en effet du tribunal de réparer, outre les préjudices matériel et moral, seuls reconnus par la loi actuellement, le "préjudice écologique", une nouvelle notion dont ils demandent la création ex nihilo. L'Etat demande à lui seul 153 millions d'euros de dommages et intérêts et a déposé à l'appui de cette demande 250.000 pièces justificatives, stockées sur 11 CD-Roms. Lundi, Me Alexandre Varaut a ouvert les plaidoiries des plaignants pour le conseil général de Vendée et plusieurs communes de ce département, en rappelant les propos tenus en 1999 par Thierry Desmarets, P-DG de Total à l'époque. Ce dernier avait admis devant une commission de l'Assemblée que sa société était "l'un des maillons d'une chaîne qui a failli" et admettait qu'elle devrait "en assumer pleinement les conséquences et les responsabilités". L'avocat s'est donc indigné de constater que, dans leurs conclusions écrites remises le matin même à toutes les parties au procès, les avocats de Total confirmaient leur intention de demander une relaxe complète et niaient toute responsabilité. "Total doit prendre garde au prix de ce reniement qui pourrait être beaucoup plus lourd que les indemnités qu'il cherche à mégoter aux victimes", a-t-il ajouté. Il demande 12 millions d'euros pour la Vendée et deux millions d'euros pour chacune des onze communes qu'il défend. Me Xavier Delplanque, avocat du département du Morbihan, a ensuite ouvert une série de plaidoiries plus techniques qui visent à démontrer que le rôle prêté à Total dans l'affaire rentre bien dans le cadre juridique très étroit des textes régissant le transport maritime. Diverses conventions internationales prévoient en effet que les affréteurs ne sont en principe pas responsables des dommages à l'environnement, sauf dans certains cas très précis. Total rappelle en outre que le Fipol, fond mutualiste de l'industrie pétrolière compétent à ce titre, a déjà versé 143 millions d'euros de réparations pour la catastrophe de l'Erika. De toutes façons, estiment les avocats de Total, le procès a montré que la société avait été victime d'un "vice caché" du navire et elle rejette donc la responsabilité de l'affaire les autres prévenus, notamment la société italienne Rina (Registro navale italiano), qui a classifié le navire, le propriétaire du navire italien, Giuseppe Savarese et Antonio Pollara, responsable de sa gérance. Elle souligne aussi que des expertises ont mis en exergue la responsabilité du capitaine indien du pétrolier, Karun Mathur, qui aurait mal piloté le navire dans la tempête. Le pétrolier Erika, vieux de 24 ans et battant pavillon maltais, s'était brisé en deux le 12 décembre 1999 dans une tempête et avait sombré au large des côtes bretonnes, déversant 20.000 tonnes de fioul sur 400 km de côtes, tuant des dizaines de milliers d'oiseaux et ravageant la faune et la flore marines.