En province, Macron "met le costume le plus ancien" du président

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Emmanuel Macron imprime à ses déplacements en province la même marque que ses prédécesseurs. © STEPHANE MAHE / POOL / AFP
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Emmanuel Macron est vendredi en Haute-Vienne avant de se rendre samedi à Oradour-sur-Glane. Un déplacement millimétré, dans la droite ligne de ses prédécesseurs.

Une visite sur deux jours, qui passera par Verneuil-sur-Vienne, Châteauponsac et Limoges, avant de s'achever par la commémoration du massacre d'Oradour-sur-Glane. En cette fin de semaine, Emmanuel Macron bat la campagne. Augurant un style de déplacement en province qui n'est pas sans rappeler celui de ses prédécesseurs.

Voir de ses yeux "au moins 15 millions de Français". Et notamment du général de Gaulle, friand des bains de foule et serrages de mains lorsqu'il parcourait le territoire national. "Le chef de l'État a vu, de ses yeux, au moins 15 millions de Français", s'était targué le président (qui n'hésitait donc pas à employer la troisième personne) lors d'une conférence de presse en 1965. Le héros de la Libération avait pris l'habitude, après un dîner en sous-préfecture, de dormir en préfecture. Des lits spéciaux de 2,15m devaient même être installés pour que "le plus grand des Français" (1,96m) puisse y être à l'aise. Vendredi soir, c'est bien à la préfecture de Haute-Vienne, à Limoges, qu'Emmanuel Macron a prévu de passer la nuit, après un "banquet républicain" avec des élus locaux.

" On peut faire un parallèle avec tous les présidents de la République, et pas seulement la Ve. "

De vieilles traditions. "C'est probablement un clin d'œil au général de Gaulle", explique l'historien Nicolas Mariot, auteur d'une thèse intitulée Bains de foule, les voyages présidentiels en province et directeur de recherche au CNRS. "Mais on peut faire un parallèle avec tous les présidents de la République, et pas seulement la Ve. Le banquet populaire par exemple, est une très vieille tradition."

Le principe même du voyage du chef de l'État en province, hérité de l'Ancien régime, lorsque le roi parcourait son royaume en carrosse, a été repris et popularisé sous sa forme moderne par Sadi Carnot, président sous la IIIe République entre 1887 et 1894. Ce qui lui avait laissé le temps de faire 72 déplacements, raconte le professeur d'histoire-géographie Patrick Gourlay dans Un outil politique : le voyage présidentiel en province.

"Propagande par la vue". "Emmanuel Macron remet le costume le plus traditionnel et le plus ancien du chef de l'État, au temps où celui-ci, sous la IIIe République, n'avait aucun pouvoir et était donc réduit à un symbole", analyse Nicolas Mariot. Pour Patrick Gourlay, ces déplacements en province s'apparentent à une "propagande par la vue". "Elle s'appuie sur une mise en scène mobilisant les marqueurs républicains, le protocole et les notables, mais elle se veut aussi l'occasion d'une rencontre avec la population."

Donner de "belles images" de proximité. L'objectif d'Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs avant lui, est de "donner de belles images" pour "montrer qu'il est proche des gens", abonde Nicolas Mariot. "Logiquement, il reprend l'usage du pool télévisé pour assurer la couverture du voyage, ce qui fonctionnera très bien. On le verra constamment en gros plan en train de serrer des mains, avec une liesse ininterrompue autour de lui." C'est bien cette proximité qui est recherchée avant tout. "Au fond, il pourrait parler à plus de citoyens en s'adressant à eux à la télévision par exemple", note Nicolas Mariot. "Mais ce mode de communication ne permet pas de montrer un contact physique."

" L'effet réel de ces déplacements, personne n'en a aucune idée. "

Un bénéfice électoral incertain. Reste à savoir si cela engendre un bénéfice électoral. "L'effet réel de ces déplacements, personne n'en a aucune idée", assène Nicolas Mariot. "En revanche, ce type de sortie produit des images de proximité qui sont forcément réussies car les gens ne peuvent pas ne pas réagir au passage d'un président –et cela vaut pour n'importe quelle célébrité d'ailleurs. Ils applaudissent ou ils sifflent, mais même des sifflets permettent de se montrer à l'écoute, comme ce qui s'était passé lors de la séquence Whirlpool."

Illustrations du petit théâtre permanent de la politique, ces déplacements en province sont jalonnés de passages obligés, comme les serrages de main. Comme le résume Nicolas Mariot, "il n'y a rien de neuf sous le soleil avec Emmanuel Macron, et c'est logique. On voit mal pourquoi le président abandonnerait une formule qui marche si bien".