Droit d'asile : des députés LREM font de la résistance

Martine Wonner
Martine Wonner, députée LREM du Bas-Rhin, fait partie des parlementaires qui ont déposé des amendements contre l'avis du gouvernement sur un texte sur le droit d'asile. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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M.B. , modifié à
Une proposition de loi sur la "bonne application du régime d'asile européen" revient à l'Assemblée jeudi. Une trentaine de députés de la majorité veut l'amender, contre l'avis du gouvernement.

Cela aurait dû être une formalité. Jeudi, une proposition de loi permettant une "bonne application du régime d'asile européen" est discutée, en seconde lecture, sur les bancs de l'Assemblée. Dans ce texte, des dispositions afin de pouvoir placer les "dublinés", ces réfugiés qui rejoignent l'Union européenne et doivent en théorie déposer une demande d'asile dans le premier pays qu'ils atteignent, en centre de rétention. En première lecture, en novembre dernier, l'examen de la proposition de loi n'avait posé aucun problème à la majorité. Cette fois, pourtant, un vent de révolte souffle dans ses rangs.

Un texte durci par le Sénat. En cause, les modifications faites par le Sénat entre-temps. Au Palais du Luxembourg, majoritairement de droite, les critères retenus pour placer les dublinés en rétention ont en effet été revus, et durcis. Ainsi, les sénateurs ont ajouté dans la liste des raisons qui pouvaient entraîner le placement en rétention le fait de dissimuler des "éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale et de ses demandes d'asile antérieures". Par ailleurs, les délais de recours ont été raccourcis de deux semaines à sept jours.

"Le gouvernement nous a demandé d'être responsables". Des changements qui, a priori, n'auraient dû poser aucune difficultés aux marcheurs. Rien n'empêche en effet l'Assemblée de revenir sur les modifications du Sénat en seconde lecture. Mais cette fois, le gouvernement a expressément demandé à ses troupes de ne pas toucher une ligne. Un amendement d'une centaine d'élus LREM visant à revenir à la première version du texte a ainsi été retiré la semaine dernière en commission des lois. "Le gouvernement nous a demandé d'être responsables", explique Emilie Chalas, élue de l'Isère, dans les colonnes de L'Opinion.

"Vide juridique". L'argument de l'exécutif est le suivant : puisqu'il y a actuellement un "vide juridique", pour reprendre les mots de Jean-Luc Warsmann, rapporteur du texte, il faut vite adopter la proposition de loi. Quitte à revenir dessus plus tard, lors de l'examen du projet de loi asile et immigration, prévu au printemps. Ce qui n'est pas du goût de certains marcheurs. Une trentaine d'entre eux, dont Brigitte Bourguignon, la présidente de la commission des Affaires sociales, et Martine Wonner, élue du Bas-Rhin, ont donc déposé trois amendements pour revenir à la première version du texte. Ils seront soutenus, au moins sur le rétablissement du délai de recours à deux semaines, par le groupe MoDem. "Ce n'est pas la conception que j'ai du processus législatif", s'indigne d'ailleurs la centriste Laurence Vichnievsky dans L'Opinion.

Avant-goût. Chez LREM, on s'applique à déminer le terrain. Et marteler que les désaccords sont techniques plus que politiques, sur la méthode et le timing plus que sur le fond. "On n'a pas un désaccord de fond avec Gérard Collomb, mais un souci d'organisation", résume une députée dans Libération. Ce qui n'est qu'en partie vraie. Car cette petite résistance, qui a d'ailleurs peu de chance d'aboutir, est un avant-goût des débats qui pourraient avoir lieu au printemps, lors de l'examen du "vrai" projet de loi. Et certains élus ont choisi de préserver leur force : céder cette fois-ci aux injonctions de l'exécutif et se montrer disciplinés, pour mieux pouvoir dégainer des amendements sur le texte définitif dans quelques mois.