Loi Travail : "Le 49.3, c'est l'illustration du défaut d'autorité de Manuel Valls"

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A.D , modifié à
Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, fait le point sur l'article 49.3 qui pourrait bien être utilisé par le gouvernement pour faire adopter la loi Travail.
INTERVIEW

Fin 2015, le recours à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter la loi Travail ne semblait ni souhaitable, ni nécessaire à Myriam El Khomri. Pourtant, vendredi sur Public sénat, Manuel Valls ne l'excluait pas. Entre les deux, des manifestations et le mouvement Nuit Debout sont passés par là. Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne, était invité samedi dans C'est arrivé demain sur Europe 1. Il ne serait pas étonné que le gouvernement tente de passer en force.

49.3, c'est quoi ? D'abord un petit rappel de texte : "Recourir au 49.3 signifie que le gouvernement n'a pas de majorité positive pour faire adopter un texte. Avec cet article, il souhaite contraindre sa majorité non pas à voter pour le texte mais pour la survie du gouvernement. Le 49-3 n'a pas été imaginé contre l'opposition, mais contre la majorité."

"Si la majorité va au bout de son hostilité, le gouvernement renversé". Avec le 49.3, on observe ainsi un double glissement. D'une part sur l'objet du débat : il ne s'agit plus du texte mais du gouvernement, ce qui fait que si la majorité va au bout de son hostilité, elle renverse le gouvernement. D'autres part, il y a un glissement en ce qui concerne le calcul des voix. Avec le 49.3, le gouvernement attend le dépôt d'une motion de censure à son encontre, signée par au moins un dixième des députés. "Pour une motion de gauche, il faudrait que des communistes, des socialistes et des écologistes s'associent", par exemple, indique le professeur de droit. La droite pourrait aussi en être à l'initiative, mais "si la droite la dépose, la gauche votera-t-elle la motion  ?", s'interroge le spécialiste.

"Arrêter les frais ?". Si oui, Dominique Rousseau voit poindre une crise politique très grave. Toutefois, tempère-t-il, "Manuel Valls n'aurait-il pas intérêt à arrêter les frais ? De même, les frondeurs n’ont-ils pas intérêt à faire tomber le gouvernement ?" Depuis deux ans, analyse le spécialiste, il n'y a pas de majorité. "Cela pourra-t-il durer encore un an ? L'article 49.3, c'est aussi l'illustration du défaut d'autorité de Manuel Valls. Passer en force avec le 49.3, c'est la manifestation d'une survie artificielle d'un gouvernement présidentiel minoritaire, c'est de l'acharnement thérapeutique."