Dieudonné : la valse hésitation des maires

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Fabienne Cosnay , modifié à
TOUR D'HORIZON - Dans les villes où l'humoriste doit se produire, les positions des élus divergent.

Faut-il interdire les spectacles de Dieudonné et si oui, comment ? La balle est désormais dans le camp des maires et des préfets, une mesure d'interdiction au niveau national étant juridiquement impossible. L'humoriste polémiste doit se produire dans une vingtaine de villes à compter de jeudi. A droite comme à gauche, face au cas Dieudonné, la position des maires est loin d'être homogène. Certains élus, comme Alain Juppé, montent en première ligne pour demander l'interdiction du spectacle "Le Mur", d'autres préfèrent déléguer le problème aux préfets, d'autres encore estiment qu'en cherchant à interdire le spectacle, on fait de la publicité à l'humoriste. Tour d'horizon.

Ces maires en première ligne pour demander l'interdiction

alain juppé carrée

A Bordeaux, Alain Juppé a annoncé lundi soir l'interdiction de la représentation du 26 janvier dans sa ville. "Dieudonné ne se comporte plus simplement en "humoriste" mais en "véritable propagandiste de l'antisémitisme et du racisme", estime l'ancien Premier ministre, interrogé par Europe 1. Pour le maire de Bordeaux, "le caractère de plus en plus provocateur "des propos tenus par Dieudonné constituent "un réel risque de trouble à l'ordre public" qui justifie l'interdiction du spectacle.

Une analyse partagée par le sénateur-maire PS de Tours Jean Germain. L'élu a annoncé mardi qu'il prendrait un arrêté pour interdire la représentation, prévu vendredi, dans la ville. Qualifiant les spectacles de Dieudonné de "manifestations à caractère ignoble, attentatoire à la dignité humaine",  le maire de Tours estime qu'il "ne s'agit pas seulement d'un problème de droit, mais aussi d'un problème de morale. Conscient que son arrêté peut être annulé par la justice, Jean Germain a affirmé sa détermination à "aller jusqu'au bout, jusqu'au Conseil d'Etat s'il le faut".

Toujours dans le Centre, le député-maire UMP d'Orléans, Serge Grouard a annoncé qu'il prendrait un arrêté mercredi ou jeudi matin en vue d'interdire le spectacle que doit donner Dieudonné samedi. Pour sa part, Dominique Gros, le maire socialiste de Metz a annoncé l'interdiction "sans aucun doute" du spectacle prévu le 19 janvier prochain, selon Lor'actu. "J'ai encore un peu de temps pour diffuser l'arrêté municipal", a-t-il commenté mercredi. Il avait déjà demandé à l'Etat de l'interdire fin décembre.

Ces maires qui renvoient la balle aux préfets

C'est la position majoritaire dans les villes où Dieudonné doit se produire. Dans la ville de Saint-Herblain, c'est le préfet de Loire-Atlantique, Christian de Lavernée, qui a pris l'arrêté d'interdiction du spectacle prévu au Zénith, jeudi soir. La commune ne souhaitait pas prendre le risque de voir son arrêté annulé par le tribunal administratif avec le risque d'être condamné à rembourser les recettes du spectacle. "Si le ministre de l’Intérieur souhaite interdire un spectacle, ok, bravo, indiquait mardi matin à Ouest France l’entourage du maire PS  Patrick Rimbert. " Nous sommes solidaires de la décision du ministre mais c’est à la préfecture d’assumer cette position d’Etat".

A Lyon, c'est aussi le représentant de l'Etat et non le maire PS Gérard Collomb qui est monté au créneau. "Il y a des valeurs qu'on doit respecter en France, ce sont des valeurs qui nous rassemblent. On n'insulte pas publiquement son voisin. On croit à une certaine éthique, on croit à la fraternité", a déclaré le préfet Jean-François Carenco.

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Dans la ville de Toulouse, le maire PS Pierre Cohen laisse aussi au préfet le soin de demander l'interdiction mais se tient prêt à intervenir au cas où. "Si on conjugue nos efforts et si j'ai à le faire, il n'y a pas de raison que je ne bouge pas dans les jours qui viennent", assure t-il."Ce que je veux, c'est une efficacité, pas une posture politique (...) Ce que je ne veux pas, c'est tomber dans un piège qui consisterait à être débouté et voir l'argent des contribuables attribué (à Dieudonné) comme cela a été le cas par exemple pour La Rochelle (NDLR : la ville avait été condamnée en 2012 à verser plus de 40.000 euros à l'humoriste) "Il faut être le plus efficace possible", a déclaré le maire de la quatrième ville de France, où Dieudonné est censé se produire le 22 février.

Les interdictions, les autorisations ou les indécisions, par ordre chronologique :

Ces maires qui se retranchent derrière le droit

 

A Douai ou Mâcon, les édiles invoquent les précédentes décisions de justice toutes favorables à Dieudonné pour justifier leur refus de prendre un arrêté. "Sur un plan juridique, tous les maires qui ont pris des arrêtés visant à interdire la tenue des spectacles de Dieudonné se sont cassé les dents. (...) La justice est claire, il est interdit d'interdire. Et comme je me suis toujours aligné sur la jurisprudence en vigueur avant de prendre le moindre arrêté, ma position actuelle est celle-là", explique ainsi Jacques Vernier, le maire UMP de Douai, au quotidien La Voix du Nord. En clair, mieux vaut ne pas prendre de risques juridiques. Et attendre les prochains jugements. "Je vais déjà attendre de voir ce qui va arriver dans les premiers spectacles", explique à francetv info le maire UMP de Mâcon.

 

 

Ces maires qui craignent un coup de pub

 

maire-brest

Eux considèrent qu'on parle trop de Dieudonné et qu'interdire son spectacle est totalement contre-productif. Les maires de Brest et de Châlons-en-Champagne ne s'opposeront pas à la venue de l'humoriste dans leur commune et estiment qu'interdire son spectacle, c'est lui faire de la publicité. "Si c'est pour prendre un arrêté ensuite annulé par la justice, c'est donné un peu plus de publicité à ce sinistre individu. Le but, c'est d'en parler le moins possible",  tranche Bruno Bourg Broc, maire UMP de Châlons-en-Champagne. "Plus on parle de Dieudonné, plus on lui fait de la pub", renchérit le maire PS de Brest François Cuillandre (photo).

Ce maire qui s'en tire par une pirouette

A Biarritz, le maire MoDem Didier Borotra n'a pas eu à se poser la question de savoir s'il devait prendre (ou pas) un arrêté d'interdiction. Des travaux empêchent d'ores et déjà le maintien du spectacle de Dieudonné, prévu le 14 mars. "Il s'agit de remplacer, notamment, le plancher de la scène qui constitue désormais une menace pour les spectacles de danse",  précise la mairie dans un communiqué. "Des travaux programmés en urgence" qui tombent à pic. Dieudonné, lui, a déjà contesté en justice cette annulation. Le tribunal administratif de Pau examinera mercredi la demande en référé-liberté déposée par ses avocats.