Ce diesel qui divise le gouvernement

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ZOOM - L’idée de taxer davantage le diesel oppose Montebourg et Batho. Matignon temporise.

Le contexte. Dans un rapport daté du 1er mars, la Cour des comptes a remis en cause le régime fiscal dérogatoire dont bénéficie le diesel, qui représente 80% de la consommation en France et n’est taxé qu’à hauteur de 0,42 centime par litre, contre 0,6 centime pour l’essence. Depuis, l’idée d’une augmentation de la fiscalité sur le carburant préféré des Français a germé dans l’idée du gouvernement.

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Delphine Batho monte au créneau… La ministre de l’Ecologie, très discrète dans les médias, a profité de l’aubaine pour se rappeler au bon souvenir de tous. Et elle n’a pas attendu le rapport de la Cour des comptes pour cela. Le 21 février, elle estimait déjà sur RMC que l'alignement "progressif" de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence est une question "de santé publique" avant d'être une question fiscale et est "incontournable". Elle a remis le couvert dimanche, argument sanitaire en bandoulière : "il y a un vrai problème de santé publique sur le diesel. Les véhicules anciens, qui représentent 27% du parc automobile, sont ceux qui émettent le plus de particules", a-t-elle déclaré au Parisien. Elle est soutenue dans son combat par l'écologiste Cécile Duflot, qui juge que sa collègue du gouvernement "a pris courageusement position sur ce dossier".

… et Arnaud Montebourg calme ses ardeurs. Il faut sauver le "made in France". Invité dimanche du "Grand Rendez-vous" Europe 1/i-télé/Le Parisien-Aujourd'hui en France, le ministre du Redressement productif a balayé l’idée d’une fiscalité spécifique sur le gazole car "utiliser le diesel comme source de financement de l'Etat n'est vraiment pas la bonne politique", selon lui. Ce qui inquiète le ministre, c’est le retour d’une prime à la casse nouvelle version, car cette taxe "a été une drogue qui a précipité nos constructeurs" français au profit des marques étrangères : "attaquer le diesel, c'est attaquer le made in France", a-t-il conclu. Autre source d’inquiétude pour Arnaud Montebourg : cette fiscalité ne doit pas être "pénalisante pour le pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires".

Une piste qui fait (presque) consensus. Plutôt qu’une prime à la casse, le gouvernement français réfléchit donc à l'instauration d'"une prime à la conversion" afin d'inciter les automobilistes à abandonner les voitures diesel pour des véhicules moins polluants, a annoncé Arnaud Montebourg, dimanche. Dans une lettre adressée à la Cour des comptes, la ministre de l'Ecologie Delphine Batho a elle aussi émis l'idée d'une "aide au remplacement des véhicules les plus émetteurs de particules par des véhicules peu polluants bénéficiant du bonus écologique". Un point d’accord avec son collègue du Redressement productif : "plutôt que pénaliser les automobilistes, les constructeurs (...), je préfère que nous incitions à la conversion". Mais "rien n'est décidé", a ajouté le ministre, soulignant la nécessité d'un "consensus" sur la question.

arnaud montebourg jean marc ayrault

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Qu’en pense Matignon ? André Vallini, proche de François Hollande invité lundi matin d’Europe 1, a reconnu que sur ce sujet "le gouvernement cherche encore un peu ce qu’il doit faire. J’attends de Jean-Marc Ayrault qu’il recadre tel ou tel ministre." Et de fait, Matignon n’a pas mis longtemps à intervenir, affirmant qu'une hausse de la taxation du diesel était effectivement "une piste de travail". Mais "en tout état de cause, aucune mesure de fiscalité écologique ne saurait être mise en œuvre avant la prochaine loi de finances 2014", a assuré un conseiller. Le gouvernement attend en effet les propositions du comité pour la fiscalité écologique, composé de membres de la société civile et d’experts, avant de s’avancer.