Après la victoire de Benoît Hamon, ça tangue au PS

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La victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche a exercé une crise déjà latente au PS. © CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
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La victoire de Benoît Hamon a cristallisé les tensions au sein de son parti entre frondeurs et "réformateurs". Les menaces de défection des seconds se multiplient.

Le Parti socialiste serait-il, comme s'interroge le député Christophe Caresche mardi, "arrivé au bout du chemin" ? Au lendemain de la victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche, la famille politique semble plus déchirée que jamais. Impossible, pour certains socialistes auto-proclamés "réformateurs", défenseurs de la ligne gouvernementale depuis le premier jour, de se ranger derrière un candidat très critique envers le quinquennat, qui a voulu voter une motion de censure après l'emploi du 49.3 et propose aujourd'hui d'instaurer le revenu universel et la semaine de 32 heures.

Lundi soir, pourtant, le PS avait tenté de faire bonne figure. Après une réunion à Solférino, la direction du parti avait adopté un "appel à l'unité et au combat". "Le résultat du vote est incontestable", écrivait-elle. "Nous appelons à soutenir notre candidat Benoît Hamon. Sans compter nos efforts, nous ferons tout pour remporter le combat crucial qui vient contre la droite extrême et l'extrême droite." Le PS essayait donc d'apparaître en rang serré derrière son candidat, "loin des passions tristes et des surenchères inutiles". De bonnes résolutions qui n'ont pas fait long feu. En réalité, le parti est loin d'être en ordre de marche. La preuve par cinq.

Des élus PS veulent exercer un "droit de retrait"

Dès dimanche soir, certains élus socialistes qui avaient soutenu Manuel Valls pendant la campagne de la primaire, avaient fait part de divergences irréconciliables avec le programme de Benoît Hamon. Mardi matin, Christophe Caresche et Gilles Savary, deux députés socialistes du groupe des "réformateurs", ont publié dans Le Monde une tribune dans laquelle ils revendiquent leur "droit de retrait". Reconnaissant que l'élection de Benoît Hamon est "nette", "légitime" et "incontestable", ils expliquent être confrontés à "un cas de conscience inédit : comment porter un projet présidentiel conçu comme l'antithèse d'une action de mandature que nous avons soutenue et dont nous revendiquons les avancées ?" Dans ce contexte, les deux parlementaires estiment que "les conditions de [leur] soutien à la candidature" du vainqueur de la primaire "ne sont pas réunies".

D'autres sont même déjà partis voir ailleurs

Dans leur sillage, 15 autres élus ont signé leur texte à l'issue d'une réunion de leur groupe, mardi matin à l'Assemblée. Parmi eux, Alain Calmette, député du Cantal, ou Marc Goua, élu du Maine-et-Loire, qui avaient annoncé qu'ils rejoindraient Emmanuel Macron, autrement plus proche de leurs convictions. Cependant, tous n'ont pas déjà fait de choix aussi clair. François Loncle, député de l'Eure, a ainsi souligné que "le refus du programme de Benoît Hamon [intervient] d'abord, l'éventuel ralliement à un autre candidat ensuite". Mais "il y a une tentation très forte de certains députés vis-à-vis" de l'ancien ministre de l'Économie, a reconnu Christophe Caresche.  

La primaire n'a rien clarifié du tout

En réalité, la primaire a exacerbé les divisions qui existaient déjà au sein du PS pendant le quinquennat. Sur les thèmes sociaux, économiques, mais aussi sur les questions de laïcité par exemple, Benoît Hamon et Manuel Valls n'ont pu qu'acter le fait qu'ils étaient en désaccord sur de nombreux sujets. En qualifiant les promesses du vainqueur d'"irréalisables et infinançables" dès le soir du premier tour, en estimant qu'une élection de son adversaire rimerait avec "défaite assurée" à la présidentielle, Manuel Valls a douché les espoirs –s'il y en avait encore-de rassemblement dans la sérénité.

Benoît Hamon n'a pas la main sur le PS

Le fonctionnement statutaire du PS n'arrange rien à l'affaire. Lorsque François Fillon a remporté la primaire de la droite, il est automatiquement devenu président des Républicains. Ce qui lui a permis de remanier le parti pour y placer ses proches et s'assurer du soutien plein et entier de cette grosse machine politique. Benoît Hamon, lui, n'a pas la main sur le Parti socialiste. Pour en changer la direction, il faut attendre le prochain Congrès, qui n'est prévu qu'après l'élection présidentielle. En attendant, le PS est donc majoritairement tenu par les membres de la motion arrivée en tête du dernier Congrès, en 2015. Et ce sont des "loyalistes", autour de Jean-Christophe Cambadélis, bien éloignés des idées portées par Benoît Hamon. Si, à Solferino, on jure que la priorité est de battre la droite et l'extrême droite, et que tout le monde fera bloc pour s'opposer aux ennemis communs, force est de constater que cela risque d'être délicat.

Le gouvernement met la pression

Sans compter que, du côté du gouvernement aussi, on ne soutient pas franchement Benoît Hamon. Voire, on lui met la pression pour qu'il infléchisse son programme. Mardi, Michel Sapin expliquait ainsi sur France inter qu'il restait "15 jours, 3 semaines, pour permettre [au vainqueur de la primaire de la gauche] de faire les gestes qui permettront le rassemblement". "Si Hamon ne change pas de ligne, il ne rassemblera pas", a averti de son côté Marisol Touraine. La ministre de la Santé s'est ainsi engagée dans les pas de Bernard Cazeneuve, qui avait enjoins Benoît Hamon à assumer le bilan du quinquennat.

Pour l'instant, le vainqueur de la primaire s'est certes dit prêt à écouter les propositions des battus de la primaire et à en intégrer certaines dans son programme. Mais ses premiers gestes post-victoire ont été pour la gauche de la gauche, le candidat écologiste Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Il les a appelé tous les deux à construire "une majorité gouvernementale cohérente". Ce qui n'a pas aidé à calmer les esprits des "réformateurs" et la crise qui couve au PS.