Valls et l"apartheid", le mot qui fâche

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Louis Hausalter , modifié à
POLÉMIQUE - L'UMP et le FN dénoncent un terme "insultant". A gauche, tout le monde ne soutient pas le Premier ministre.

Pour Manuel Valls, il y a "un apartheid territorial, social, ethnique, qui s'est imposé à notre pays". Cette formule choc, le Premier ministre l'a employée mardi lors de ses vœux à la presse, pour dénoncer les inégalités en France. Une petite phrase qui fait des vagues dans la classe politique : de nombreuses voix se sont élevées, tous bords confondus, pour dénoncer ces propos.

"Insultant pour la République". "L'apartheid est une idéologie et personne ne la défend en France", a déclaré mardi Nathalie Kosciusko-Morizet, vice-présidente déléguée de l'UMP. "Il n'y a pas de ségrégationnisme en France. Il y a des problèmes d'inégalité et de discrimination. Mais prétendre qu'il existe en France un pouvoir ségrégationniste, marque de fabrique de l'apartheid, est insultant pour la République". Pour l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, invité d'Europe 1 mercredi, le mot est "excessif", même s'il a reconnu que "dans un certain nombre de quartiers, nous avons une situation où la République se trouve absente."

Le Front national aussi s'est insurgé du mot employé par le Premier ministre. "Manuel Valls a tenu des propos aussi irresponsables qu'insultants pour notre pays", a estimé le numéro 2 frontiste, Florian Philippot, dans un communiqué.

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"Marquer les esprits". A gauche, on oscille entre soutien embarrassé et justification. "C'est un mot qui est certes fort mais c'est un mot qu'il avait déjà utilisé, et qui parce qu'il est fort, montre l'exigence républicaine à laquelle nous sommes confrontés", a évacué Bruno Le Roux, le patron des députés PS. "Je vois bien que le Premier ministre a voulu marquer les esprits", a commenté Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, sur France Info. "Quel que soit le mot, je lui dis : maintenant, on y va".

Pour l'ancienne ministre Aurélie Filippetti, invitée d'Europe 1 mardi, "le mot est sans doute excessif, mais a au moins le mérite de pointer une question qui est en fait une question sociale. Ce qui se passe dans un certain nombre de territoires, qui ne sont pas simplement des banlieues, c'est une grande pauvreté, une grande misère, qui est aussi une misère culturelle". Pourtant réputé proche de Valls, le député socialiste Jean-Jacques Urvoas a pour sa part estimé que l'emploi du terme était "maladroit". "Je crois qu'il ne le réutilisera pas, ou bien il précisera le contexte", a-t-il ajouté sur BFMTV.

Et pourtant, Manuel Valls n'a pas hésité à employer de nouveau le mot devant l'Assemblée nationale, mercredi. Le Premier ministre était interpellé par le secrétaire général de l'UMP, Laurent Wauquiez, qui a dénoncé une "culture de l'excuse qui conduit à cautionner la violence". "Les jeunes seraient victimes de la France et se retourneraient donc contre la République ? Non, M. Valls", a martelé le député de Haute-Loire.

Pas la première fois. "Les mots que j'ai utilisés hier (…), je les ai toujours utilisés parce que comme d'autres ici, je les ai vécus directement", a rétorqué Manuel Valls. De fait, celui-ci n'utilise pas pour la première fois le terme d'apartheid. Il l'a notamment employé dans un livre datant de 2005, La laïcité en face. Ou encore dans une émission sur Direct 8 en 2009, lorsqu'il déclarait : "un véritable apartheid s’est construit, que les gens bien pensants voient de temps en temps leur éclater à la figure, comme ça a été le cas en 2005, à l’occasion des émeutes de banlieues". C'est cependant la première fois que Manuel Valls emploie ce terme controversé en tant que membre du gouvernement. Avant l'arrivée de la gauche au pouvoir, il a été pendant onze ans maire d'Evry, en Essonne.

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