Statut pénal du président : une réforme contestée

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Administrator User , modifié à
Le sénateur socialiste Robert Badinter et le député UMP Edouard Balladur ont réaffirmé mardi leur opposition à la réforme du statut pénal du chef de l'Etat que l'Assemblée nationale examine à partir d'aujourd'hui. Le groupe UDF a annoncé qu'il voterait contre. Cette réforme, si elle était adoptée, instaurerait une procédure de destitution inspirée du modèle américain de l'impeachment. Le Parlement pourrait le priver de ses fonctions pour manquement grave à ses obligations.

La réforme du statut du chef de l'Etat est loin de faire l'unanimité. Edouard Balladur a dénoncé, mardi, la précipitation avec laquelle était menée cette réforme importante puisqu'elle doit modifier la Constitution et devra donc être avalisée par les députés et par les sénateurs réunis en congrès à Versailles. "Si l'on veut revoir nos institutions fondamentalement, et j'y suis enclin personnellement, il faut y réfléchir, il faut se concerter, il faut le proposer autrement que dans un vote qui sera le dernier de l'actuelle législature", estime l'ancien Premier ministre. L'Assemblée nationale débat à partir d'aujourd'hui de la réforme du statut pénal du président de la République qui instaure une procédure de destitution inspirée du modèle américain de l'impeachment. Le chef de l'Etat serait assuré d'une immunité judiciaire pendant son mandat, mais le Parlement pourrait le priver de ses fonctions pour manquement grave à ses obligations et plus seulement pour haute trahison. Robert Badinter juge la réforme "absurde" parce que débouchant sur une inégalité de fait entre les présidents de la République qui seront de droite et ceux qui seront de gauche. "Projeter dans les institutions françaises la procédure américaine de l'impeachment (qui fait intervenir les deux chambres du Congrès), ça ne peut pas réussir en France pour une raison simple : le Sénat français n'est pas le Sénat des Etats-Unis qui détient une légitimité et une puissance considérables. Le Sénat français est ancré irrésistiblement à droite", a souligné l'ancien ministre de la Justice sur Europe 1. "Vous arrivez à une situation prodigieuse d'inégalité où un président de la République de droite ne sera jamais empêché, le Sénat étant à droite, et au contraire, s'agissant d'un président de la République de gauche, dans une grave crise politique, à ce moment-là, il pourra l'être. C'est absurde. Je ne pense pas que les socialistes puissent le voter", a expliqué Robert Badinter. Les deux hommes estiment que les dispositions de la Constitution actuelle sur le sujet suffisent. Le sénateur PS fait valoir que la Cour de cassation a répondu aux interrogations sur les délits étrangers à sa fonction commis par le président en estimant que l'immunité était totale et qu'il n'y avait pas besoin d'un nouveau texte. "Dans l'Etat actuel des choses, il y a des dispositions de la Constitution. Simplement, au lieu de dire manquement grave, on dit trahison, mais enfin ce sont des termes tout ça. Le système est suffisant comme il est", a estimé Edouard Balladur. L'ancien juge d'instruction Eric Halphen qui avait tenté - sans succès - de convoquer Jacques Chirac comme témoin dans l'affaire des HLM de Paris partage cet avis. L'ancien magistrat, qui estime que le chef de l'Etat doit être considéré "comme un citoyen comme les autres", qualifie la réforme de "sorte de leurre". Il souligne que le président de la République ne pourrait pas être entendu pour les infractions commises avant son entrée en fonction. "A supposer qu'au début son mandat, le président soit concerné par une affaire qui date de plusieurs années, tout sera bloqué, il faudra attendre cinq ans", a-t-il déclaré. "Les preuves en cinq ans ont le temps de disparaître et les témoins le temps d'oublier. Cela fera perdre toute efficacité possible à une éventuelle audition ou poursuite du chef de l'Etat".