Procès Colonna : la cour va se déplacer sur les lieux du crime en Corse

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
La cour d'assises spéciale de Paris a décidé mercredi de se transporter en Corse dimanche dans le cadre du procès d'Yvan Colonna. Les sept magistrats professionnels vont se rendre à Ajaccio pour organiser une reconstitution de l'assassinat en 1998 du préfet de Corse Claude Erignac mais aussi à la gendarmerie de Pietrosella, où a été volée en 1997 l'arme qui devait servir à tuer le préfet.

C'était une demande des avocats d'Yvan Colonna. La cour d'assises spéciale de Paris a finalement accepté de se déplacer en Corse malgré l'avis contraire du parquet général et les réticences des parties civiles. Ces derniers estiment que ce déplacement n'apportera rien au procès et constitue un "piège" tendu par la défense. Pour eux, un tel transport n'a de sens que si les conditions du soir du drame sont reconstituées, alors que l'éclairage urbain a été changé et qu'un échafaudage masquait partiellement la vue des témoins. Pour les avocats d'Yvan Colonna, ce retour sur les lieux du drame est au contraire une nécessité pour que l'accusé puisse se défendre en connaissance de cause. Mais il ne s'agira pas d'une reconstitution à proprement parler.

Le déplacement de la cour d'assises spéciale de Paris aura lieu dimanche pour ne pas contrarier l'agenda de ce procès déjà fleuve. Les sept magistrats professionnels vont se rendre à Ajaccio, où le préfet Claude Erignac a été assassiné de trois balles dans la tête au soir du 6 février 1998, dans la rue Colonna d'Ornano, près du cours Napoléon, la principale artère de la ville. Un déplacement est aussi prévu à la gendarmerie de Pietrosella (Corse-du-sud), où a été volée en 1997 l'arme qui devait servir à tuer le préfet. Yvan Colonna sera présent mais il se cantonnera dans un rôle d'observateur. Dominique Erignac, la veuve du préfet, ne suivra pas ce déplacement, décrit comme trop douloureux par son défenseur.

Les avocats d'Yvan Colonna ont justifié leur demande par le fait que les témoins oculaires du crime disent pour la plupart avoir vu deux hommes autour du préfet, ce qui contredit la version de l'accusation selon laquelle Yvan Colonna, qui aurait fait feu, était accompagné de deux complices, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. De plus, la défense estime qu'un des membres du commando, Marcel Ottaviani, a jeté mardi une nouvelle lumière sur un témoignage très compromettant pour l'accusé. Un des témoins fait en effet état d'un groupe de trois hommes qui l'a dépassé à deux pas du lieu de l'assassinat, le 6 février 1998. Or, Marcel Ottaviani, condamné comme chauffeur du commando, a affirmé à la barre qu'il était en fait sorti de son véhicule, son talkie-walkie ne fonctionnant pas. Une déclaration qui fait dire à la défense que le fameux "troisième homme" ne serait donc pas Yvan Colonna. "Il fallait quelqu'un, on a trouvé Marcel Ottaviani. Huit ans et demi après, tout à coup, il se souvient, quelle merveille !", a pour sa part réagi Me Philippe Lemaire, avocat de la veuve du préfet.

Le président de la cour d'assises spécial de Paris fait preuve depuis le premier jour d'audience d'une grande écoute à l'égard de l'accusé. En acceptant ce déplacement sur les lieux du drame, il n'a pas voulu prendre le risque de voir la procédure, et donc son verdict à venir, remise en cause par des critiques sur le respect des droits de la défense. Pour l'avocat général Yves Jannier, cette visite "ne présente strictement aucune utilité. Elle n'apportera aucun élément, si petit soit-il, utile à la compréhension de cette affaire".

Pendant ses quatre ans de fuite entre mai 1999 et juillet 2003, l'assassin présumé du préfet de Corse Claude Erignac assure qu'il s'est vu proposer de refaire sa vie à l'étranger, ce qu'il aurait refusé. "Si j'avais vraiment été coupable, je serais parti car on m'a proposé de partir à l'étranger et de refaire ma vie". "Si j'ai fait le choix de ne pas me présenter à la justice, c'est parce que j'avais le sentiment que je n'avais pas le droit à quelque chose d'équitable", a-t-il assuré mercredi devant la cour d'assises spéciale de Paris. Comme il l'avait dit aux enquêteurs, Yvan Colonna a affirmé qu'il était parti "aux chèvres", en montagne, le 23 mai 1999, ignorant que la police s'apprêtait à l'arrêter le même jour, et que le 26 mai, alors qu'il redescendait, une personne l'avait prévenu qu'il était recherché et l'avait caché.