Périgueux : le veuf soutient les deux accusées

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Administrator User , modifié à
Mardi, au deuxième jour de leur procès qui relance le débat sur l'euthanasie, Laurence Tramois et Chantal Chanel ont reçu le soutien de Michel Druais, mari de la victime. L'ancien sénateur Henri Caillavet, entendu comme témoin, a lui raconté avoir lui-même donné la mort à son père, à sa demande. En revanche, les équipes médicales de l'hôpital de Saint-Astier sont partagées. Si le fait d'aider à mourir une malade agonisante n'était pas exceptionnel dans cet hôpital rural, la méthode utilisée par le docteur Tramois est jugée critiquable par certains personnels soignants.

Au deuxième jour du procès aux assises de Périgueux qui relance le débat sur l'euthanasie, Laurence Tramois, le médecin, et Chantal Chanel, l'infirmière, ont reçu le soutien du veuf Michel Druais. Les deux jeunes femmes ont amené vers la mort Paulette Druais, 65 ans, atteinte d'un cancer du pancréas en phase terminale, par une injection de potassium mortelle le 23 août 2003 à l'hôpital de Saint-Astier alors qu'elle vivait une agonie violente. Elles encourent jusqu'à 30 ans de réclusion. "Je regrette de voir Chantal et Laurence au banc des accusés. Pour moi, ce ne sont pas des accusés mais des victimes. Je les soutiens de tout mon coeur", a-t-il dit. Laurence Tramois a informé Michel Druais de son geste plusieurs semaines après les faits, a dit ce dernier. "Elle s'est mise à pleurer. Je lui ai dit : 'tu l'as euthanasiée ?'. Elle m'a dit oui. Ma réaction c'était de la prendre dans mes bras et lui ai dit 'je t'en veux pas'", a-t-il raconté. Ni lui ni son fils n'ont porté plainte. Prié de dire s'il aurait approuvé au préalable la décision d'euthanasie, il a répondu : "je peux pas le dire aujourd'hui, ce serait trop facile. Laurence a pris la décision pour moi et je l'en remercie". Auparavant, deux médecins de ce petit hôpital rural de Saint-Astier avaient aussi soutenu les accusées. "Dans les cas de patients jeunes, en relativement bon état cardiaque, les produits sédatifs classiques ne permettent pas à ces personnes de décrocher tranquillement, sans qu'il y ait un tableau clinique horrible", a expliqué Christophe Bayon, associé de Laurence Tramois. Selon lui, la loi dite "Leonetti" votée en 2005, qui permet l'arrêt des traitements et l'augmentation des doses de médicaments anti-douleur, est insuffisante et hypocrite. Le président de la commission médicale de l'hôpital, le docteur Jean-Claude Charrut, a d'ailleurs souligné la relative banalité de "l'aide à mourir" ou de "l'accompagnement" des agonisants à l'hôpital, où meurent 75% des Français. Le problème dans cette affaire, c'est que le docteur Tramois a fait par écrit la prescription mortelle pour Paulette Druais mais l'a laissée ensuite à une aide-soignante, et elle s'est transmise de main en main jusqu'à l'infirmière de nuit Chantal Chanel, sans aucun dialogue. Cette procédure a été vivement critiquée par Sylvie Belair, aide-soignante qui a reçu la prescription. Cette dernière a affirmé que le docteur Tramois lui avait alors dit : "je sais que je fais un acte d'euthanasie active, mais si j'étais sûre qu'elle sortait du coma... De toutes manières, c'est ça où je ramasse la famille à la petite cuillère". Laurence Tramois nie avoir prononcé ces phrases. Sylvie Belair a affirmé avoir sollicité en vain une réunion de l'équipe et un dialogue. Au cours de l'audience, elle a mis en cause la personnalité du médecin. "J'ai l'impression qu'elle ne nous faisait pas confiance, et cela créait un certain climat de tension, de pression et de fuite de notre part." Par la suite, l'infirmière Véronique Baignier-Maxant a alerté la direction de l'hôpital, qui a prévenu la justice. Elle a expliqué qu'elle ne l'avait pas voulu. "Je voulais régler un certain manque de communication. Si j'avais su que Chantal Chanel serait aux assises... c'est insoutenable", a-t-elle dit, en pleurs. "C'est plus la façon dont ça a été fait qui m'a choquée, le fait de faire une prescription à une infirmière sans même la voir", a dit Frédérique Lanneau, cadre administrative. Selon elle, le docteur Tramois "terrorisait" les infirmières par son caractère autoritaire. Pour Me Pierre-Olivier Sur, avocat de Chantal Chanel, cette affaire a été portée devant la justice en raison d'un "quiproquo absurde". "Ce dossier aurait pu ne pas être connu de la justice. Combien y'en a-t-il qui ne sont pas connus ?", s'est aussi demandé à haute voix le président de la cour. L'audience a aussi été marquée par le témoignage de l'ancien sénateur Henri Caillavet, président d'honneur de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) et âgé de 93 ans. Il a raconté avoir lui-même donné la mort à son père, à sa demande. Avec son frère, il a donné des barbituriques à son père pour l'endormir puis lui a administré une dose mortelle de chlorure de potassium, selon son récit.