Outreau s'invite dans la campagne

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Administrator User , modifié à
Trois des acquittés de l'affaire de pédophilie d'Outreau ont interpellé jeudi les candidats à l'élection présidentielle. Objectif : relancer le débat sur une réforme profonde de la justice proposée après ce fiasco judiciaire.

Les acquittés d'Outreau s'estiment être "les oubliés" de la présidentielle. Ils tentent alors de faire entendre leur voix. Lors d'une conférence de presse, jeudi, deux acquittés, Alain Marécaux et Roselyne Godard, l'avocat Hubert Delarue et le député UMP Georges Fenech ont souligné que les candidats ne parlaient pas des 80 propositions avancées par une commission d'enquête associant droite et gauche en juin 2006 et se montraient à leurs yeux, timides sur les questions de budget. Odile Polvèche, autre acquittée absente, a publié une lettre où elle se dit "écoeurée" et annonce qu'elle ne s'est pas inscrite sur les listes électorales. "Je ne vais pas respecter mon devoir de citoyenne car je ne peux pas voter pour des personnalités qui occultent le passé", écrit-elle. "On nous a appelé les acquittés d'Outreau, on va maintenant nous appeler les oubliés d'Outreau. La justice est malade, il faut la soigner. Je suis là pour demander aux candidats qu'on parle d'une réforme de la justice", a dit Alain Marécaux, huissier de justice qui fut écroué durant presque deux ans Lors de la campagne, les trois grands candidats ont peu parlé de la justice. Ségolène Royal propose de doubler le budget de la justice en cinq ans, François Bayrou en dix ans, Nicolas Sarkozy, lui, ne parle pas d'augmentation. Le budget de la Justice en 2007, incluant le financement des 188 prisons, est de 6,271 milliards d'euros, soit 2,34% du budget de l'Etat, un des plus faibles du continent européen. Aucun grand candidat n'a par ailleurs évoqué les propositions de la commission "Outreau", comme la fixation de délais maximaux pour la détention, l'accès renforcé des avocats à la garde à vue, la réforme de la carte judiciaire avec suppression des petits tribunaux, la séparation des carrières du "siège" (magistrats conduisant les enquêtes et les procès) et du "parquet" (magistrats représentant l'accusation). Lors de deux procès en 2004 et 2005, treize des 17 accusés de cette affaire ont été acquittés. Douze d'entre eux ont été emprisonnés pendant des mois, voire des années. Depuis, une réforme de la procédure pénale jugée limitée, amputée par le Conseil constitutionnel d'un volet sur la responsabilité des magistrats, est entrée en vigueur en mars, mais les acquittés soulignent que les problèmes de moyens matériels et les habitudes de la magistrature, notamment en matière de détention provisoire, n'ont changé en rien. Depuis le scandale de l'affaire Outreau, la situation de la détention provisoire s'est aggravée, selon des statistiques officielles. 599 personnes ont été innocentées en 2004 après avoir été emprisonnées et le montant des indemnités versées à ce titre a atteint en 2005 le record de 6,32 millions d'euros.