Les cinq commandements du nouveau ministre

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Europe1 a demandé à deux anciens ministres expérimentés de délivrer quelques conseils aux nouveaux entrants.

A chaque remaniement, et peu importe la couleur politique du gouvernement, la question revient dans tous les bistrots du pays : "mais elle y connait quoi Najat Vallaud-Belkacem à l'éducation ? Et Pellerin à la Culture ?" Au lendemain du remaniement annoncé de l'équipe Valls, Europe1 a donc sollicité deux anciens ministres expérimentés pour savoir comment apprivoiser un domaine que l'on ne maîtrise pas. Brice Hortefeux, quatre fois ministre, et Gérard Longuet, trois maroquins au compteur, ont accepté de jouer le jeu.

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Ta langue, tu contrôleras

La machine médiatique ne s'arrête jamais. Quand un nouveau ministre entre en fonction, les sollicitations pleuvent. Se pousser du col en titille bon nombre. "Erreur", assurent en chœur nos deux "anciens". "La première chose à faire, c'est surtout ne pas parler pendant les premiers jours ! On n'est jamais à l'abri d'une erreur par méconnaissance d'un sujet. Il faut donc prendre le temps de bien connaître ses dossiers", affirme Brice Hortefeux. Gérard Longuet, lui, se rappelle avec douleur – mais ironie – avoir conversé un long moment avec un journaliste d'un satellite dont il ne connaissait pas le nom… "J'ai changé de sujet dès que je l'ai pu. Je ne maîtrisais pas le sujet, je n'aurai pas dû lui répondre", s'amuse-t-il aujourd'hui avec le recul.

Tes prédécesseurs, tu consulteras

La guerre droite-gauche ne s'arrête jamais, elle non plus.  C'est du moins la version officielle. Dans les faits, les politiques entretiennent le plus souvent des relations cordiales avec leurs "adversaires".  Brice Hortefeux confirme que les clivages n'ont pas toujours de sens et qu'il faut savoir s'en affranchir pour plus d'efficacité.  "Il faut rencontrer ses prédécesseurs, de tous bords politiques. Quand je suis arrivé au ministère de l'Intérieur, j'ai discuté avec Pasqua mais aussi Chevènement. Quand Manuel Valls a été nommé, il a demandé à me voir. Et pareil pour Cazeneuve." Bernard Cazeneuve que Brice Hortefeux a d'ailleurs prévu de contacter la semaine prochaine pour parler avec lui de sa politique migratoire : "c'est la moindre des choses de lui en parler en direct plutôt que par médias interposés. On se connait bien en plus."

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© Reuters, montage Europe 1

Sans relâche, tu travailleras

Aussi brillants soient-ils, les ministres n'ont pas la science infuse. La première chose à faire après leur prise de fonction ? Travailler, travailler, travailler ! "Quand je suis arrivé à la Défense, qui est un ministère très organisé, on m'a tout de suite fourni des milliers de fiches à ingurgiter. J'ai travaillé sans relâche tous les soirs de la semaine, week-end compris", confie Gérard Longuet. "Les premiers jours, on a des tonnes et des tonnes de notes à lire et à apprendre, mais c'est nécessaire, cela fait partie du job", confirme Brice Hortefeux.

De bons collaborateurs, tu t'entoureras

A écouter nos deux ministres, c'est une autre priorité. "Un nouveau ministre doit d'abord se poser deux questions : ai-je une idée d'ensemble de mon action ? Ai-je une équipe de collaborateurs efficaces et en qui j'ai toute confiance ? C'est primordial, sans cela, on ne fait rien !", estime Gérard Longuet, qui se souvient qu'"en1986, quand je me suis installé au ministère des Postes et des Télécommunications, je me suis retrouvé tout seul face à plus de 400.000 postiers. Là, c'est vertigineux, il faut du sang froid et un bon noyau de collaborateurs, 4 ou 5 pas plus, qui connaît bien son sujet.  Ils doivent être capables de vous expliquer vos contraintes, vos limites, etc."

Brice Hortefeux ne dit pas autre chose, mais pointe un risque : "un ministre ne doit pas être le porte-parole de l'administration, il en est le chef. Un bon ministre, c'est un bon chef." Gérard Longuet recommande lui aussi de ne pas tomber dans le "suivisme". "Le risque, c'est d'avoir des hauts fonctionnaires compétents, en place depuis longtemps, qui vous disent :'ne vous inquiétez pas, on s'occupe de faire tourner la machine !' Non, le ministre est là pour décider, pas pour suivre".

De courage, tu t'armeras

"Quand on arrive dans un nouveau ministère, il y a un grand moment de solitude. Et je vous mets au défi de trouver un ministre qui dira le contraire." On a posé la question à Brice Hortefeux, qui a souri en entendant les mots de son ancien collègue. "Il a raison. D'un coup, c'est comme si quatre haltères vous tombent sur le dos. Il faut montrer une PME en trois jours : trouver des locaux, une équipe, apprendre ses dossiers…" Les vacances ? "À oublier", tranche-t-il encore, avant de souvenir de son dernier départ du gouvernement, en février 2011 : "j'étais assis à côté de François Baroin. On s'est regardé et on s'est dit : 'il ne faut pas faire ce job plus de deux ans…"