Le procès de Périgueux relance le débat sur l'euthanasie

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Administrator User , modifié à
Le procès d'une infirmière et d'une médecin accusées d'avoir aidé à mourir en 2003 une malade du cancer en phase terminale s'est ouvert lundi à Périgueux sous les protestations des partisans comme des adversaires d'une légalisation de l'euthanasie. Chantal Chanel et Laurence Tramois comparaissent pour "empoisonnement", crime en théorie passible de trente ans de réclusion. La défense va demander leur acquittement. Le procès doit s'achever vendredi prochain.

Dans le box des accusés, deux femmes, qui ont assisté lundi blêmes et même en larmes pour Chantal Chanel, aux formalités d'ouverture d'audience. Puis devant la cour, le docteur Laurence Tramois, 35 ans, a raconté avoir eu sa vocation de médecin à l'âge de cinq ans et ressenti une immense fierté de travailler à l'hôpital de Saint-Astier, sa ville natale. "J'avais été victime d'une attaque de polio à cinq ans. On avait pris soin de moi, j'ai voulu prendre soin des autres", a-t-elle dit. Depuis l'affaire, elle continue à exercer en libéral dans un cabinet. L'Ordre des médecins lui a infligé une suspension d'un mois. L'hôpital lui a officiellement demandé de partir mais, officieusement, la sollicite toujours pour des gardes de nuit et de week-end, a-t-elle précisé. Dans l'affaire de Périgueux, la victime, Paulette Druais, 65 ans, qui se trouvait dans un coma douloureux et vivait une agonie particulièrement difficile, est morte le 23 août 2003 à l'hôpital rural de Saint-Astier d'une injection de chlorure de potassium mortelle, prescrite par écrit par le docteur Tramois et administrée par Chantal Chanel, 40 ans. Sa famille n'a pas porté plainte. Dénoncées par des soignants, les accusées ont reconnu les faits, expliquant à l'instruction qu'elles ne se revendiquaient pas comme militantes de l'euthanasie mais estimaient avoir fait un geste "humain". En parallèle du procès, plusieurs dizaines de personnes ont formé lundi devant le palais de justice une "chaîne de solidarité" en faveur des deux femmes, en se tenant la main. L'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), qui milite pour une légalisation totale de l'euthanasie, et les associations "Faut qu'on s'active !" et "Mouvement national pour une loi Vincent Humbert", favorables à une dépénalisation exceptionnelle de certains actes, se sont dites scandalisées de voir les deux femmes jugées comme des criminelles. Marie Humbert et le docteur Frédéric Chaussoy, qui furent mis en examen pour avoir aidé à mourir en 2003 le jeune tétraplégique Vincent Humbert dans le Pas-de-Calais, étaient présents, en solidarité avec les accusés. "Je ne comprends pas pourquoi ce procès a lieu", a dit marie Humbert aux journalistes. La semaine dernière, Chantal Chanel et Laurence Tramois avaient reçu le soutien sans précédent de 2.134 soignants, qui revendiquaient dans un manifeste publié dans la presse avoir pratiqué l'euthanasie active et ont aussi demandé une réforme. En revanche, les adversaires de la légalisation de l'euthanasie, un groupe de médecins et d'intellectuels, ont répliqué en écrivant au président de la cour d'assises pour lui demander le renvoi du procès, malvenu selon eux en pleine campagne présidentielle. Au contraire de la Belgique et des Pays-Bas, la loi française ne permet pas l'aide active à mourir mais seulement l'arrêt des traitements, depuis la loi dite "Leonetti" votée en avril 2005 par le parlement après l'affaire Humbert.