Le magistrat convoqué au ministère ne sera pas poursuivi

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Le magistrat du parquet de Nancy appelé à s'expliquer sur une déclaration à propos des peines planchers au ministère de la Justice ne sera finalement pas poursuivi alors qu'il risquait des sanctions disciplinaires. Philippe Nativel a nié avoir critiqué lors d'un procès la loi instaurant des peines minimales contre les délinquants récidivistes. Sur le principe, sa convocation avait suscité un tollé dans la magistrature.

Il n'y aura pas de poursuites ou de sanctions disciplinaires mais la simple convocation de Philippe Nativel suffit à créer le trouble et à susciter la colère des magistrats. Ce vice-procureur du parquet de Nancy (Meurthe-et-Moselle) s'est rendu place Vendôme jeudi pour s'expliquer sur des propos qu'il aurait tenu au sujet des peines planchers. Le magistrat, assisté par deux délégués syndicaux, a été entendu par le directeur des services judiciaires, un directeur de cabinet adjoint de la ministre, Rachida Dati, a rapporté Laurent Bedouet, secrétaire général de l'Union syndicale de la magistrature (USM), qui était présent. "L'audition a été extrêmement tendue", a simplement précisé Laurent Bedouet. Philippe Nativel a nié avoir tenu les propos qui lui étaient reprochés. Ce vice-procureur avait requis un an de prison, lundi devant le tribunal correctionnel de Nancy, contre un revendeur de drogue qui risquait en principe une peine minimale de quatre ans de prison ferme en vertu de la loi que la ministre de la Justice Rachida Dati a fait adopter en juillet. "Je ne requerrai pas cette peine plancher de quatre ans car les magistrats ne sont pas les instruments du pouvoir. Ce n'est pas parce qu'un texte sort qu'il doit être appliqué sans discernement", aurait-il dit selon un compte rendu d'audience paru dans le journal L'Est Républicain. Le tribunal a finalement condamné le trafiquant à huit mois de prison ferme auxquels s'ajoute la révocation du précédent sursis d'un an. Le parquet et les juges ont fait usage d'une disposition de la loi Dati, qui permet de déroger aux peines minimales encourues en se fondant sur "les circonstances de l'infraction, la personnalité de son auteur et ses garanties d'insertion". Sur le principe, la démarche de convocation reste choquante pour les magistrats. "C'est un procès en sorcellerie : on lui demande de prouver qu'il n'a pas tenu des propos qui lui sont prêtés", s'est indigné par exemple le président de l'Union syndicale des magistrats Bruno Thouzellier. De son côté, le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) a sollicité auprès de Rachida Dati "un entretien rapide pour évoquer cette affaire", qui "constitue une atteinte inacceptable au principe de la liberté de parole à l'audience du ministère public consacré par l'article 33 du Code de procédure pénale". Rachida Dati a elle justifié jeudi cette convocation, qui dans les faits a été assurée par l'un de ses membres de cabinet. Selon la ministre de la Justice, "un parquetier est sous l'autorité du garde des Sceaux, il est là pour appliquer la politique pénale et ne pas faire de commentaires sur une loi qui a été adoptée par le Parlement". "A l'audience, les représentants du parquet sont libres de leurs réquisitions. En revanche, ils n'ont pas à faire de commentaires critiques sur les lois votées ou sur la politique pénale qu'ils doivent appliquer", a expliqué de son côté le représentant du ministère.