La gauche vent debout contre la manif des céréaliers

Pour José Bové, qui fait référence à la mort d’un pompier en marge d’un barrage, les manifestants de jeudi matin sont "des criminels".
Pour José Bové, qui fait référence à la mort d’un pompier en marge d’un barrage, les manifestants de jeudi matin sont "des criminels". © REUTERS
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Rémi Duchemin, avec AFP
Le blocus de Paris a suscité des réactions parfois véhémentes au sein de la gauche.

De la colère naît la colère. La manifestation des céréaliers, jeudi aux abords de Paris, n’a ainsi pas été franchement bien accueillie. Soutenue sur le fond, mais du bout des lèvres, par la droite, elle est dénoncée parfois avec véhémence par des personnalités de gauche. Qui n’oublient pas, notamment, que les céréaliers franciliens, ceux qui manifestent à l’appel de la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs d’Ile-de-France, ne sont pas, loin s’en faut, les plus mal lotis des agriculteurs.

"Un vrai scandale républicain". Jean Glavany, ancien ministre de l’Agriculture, a donné le ton sur Europe 1. "Tout ça n’est pas sérieux, n’est pas républicain. La France est dans une situation extrêmement difficile, tout le monde doit faire des efforts. Qu’on demande des efforts aux plus gros paysans, ceux qui touchent le plus d’argent de la PAC, c’est-à-dire de l’argent des contribuables, c’est normal", s’est emporté le député PS des Hautes-Pyrénées. "Il faut tenir bon quand on fait de la justice et de la solidarité, il faut être fort sur ses convictions", a-t-il conclu.

La sénatrice socialiste de l’Oise Laurence Rossignol, porte-parole du PS, a elle choisi Twitter pour dénoncer le mouvement. Sans prendre de gants non plus.

L’élue de l’Oise a également évoqué la mort d’un jeune pompier de 28 ans en marge d’un barrage.

"Maintenant, ce sont des criminels". José Bové est allé encore plus loin. Alors que les manifestants se défendent de toute responsabilité dans cet accident mortel, l’ancien candidat à la présidentielle n’a pas hésité à traiter les mécontents de "criminels". "Ce qui se passe est quand même très grave. Je dirais que c’est irresponsable, c’est indécent, et maintenant, ce sont (les manifestants, ndlr) des criminels", a lancé l’ancien dirigeant de la Confédération paysanne sur France Info. "On est dans une situation inacceptable. Que les nantis de l’agriculture se permettent de manifester, d’emmerder les gens sur les routes parce qu’ils veulent garder leur avantage acquis depuis 20 ans, c’est indécent. C’est quelque chose que personne ne peut comprendre", a-t-il conclu.

 >>> Le gouvernement fait front

Cuvillier : "ce n’est pas compréhensible". Position de membre du gouvernement oblige, Frédéric Cuvillier s’est montré plus réservé, mais la colère couve clairement dans les propos du ministre des Transports.  "Ça n'est pas en bloquant et en lançant des ultimatums qu'on règle les choses (...). Ça n'est pas compréhensible: imaginez que les vacanciers bloquent en période de moisson tous les accès aux tracteurs", a tancé le ministre sur RMC. "Il faut arrêter de bloquer pour bloquer, d'autant que je suis au regret de dire que ce qui est mis en avant lors de ce mouvement nécessite quelques éclaircissements", a-t-il ajouté. "Il y a des situations qui sont des situations de difficulté dans l'agriculture et ce ne sont précisément pas forcément les personnes qui manifestent qui sont les plus concernées", a conclu le ministre.

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Le Foll inflexible. Quant à Stéphane Le Foll, le ministre en charge du dossier, dont les manifestants ont réclamé la démission, il s’est montré mesuré mais inflexible. "Je ne pensais pas que c'était la meilleure solution que de bloquer les abords de Paris, je constate qu'il y a eu des incidents indirectement liés et j'appelle maintenant tout le monde à la responsabilité" a déclaré le ministre de l’Agriculture à l'AFP. "On a toujours été ouvert au dialogue" a-t-il insisté. Et "pas question" de revenir sur la redistribution de la PAC.  "J'ai fait ce choix d'un rééquilibrage des aides vers l'élevage, il n'est pas question de revenir dessus, c'est très clair" a conclu Stéphane Le Foll.

"Le ras-le-bol est réel", répondent les Jeunes Agriculteurs. Invité à la mi-journée d’Europe 1, Pierre Bot, responsable des Jeunes Agriculteurs d’Ile-de-France, a défendu tant bien que mal la journée d’actions. "Je ne veux pas dramatiser, mais les suicides dans le monde agricole sont très fréquents", a-t-il débuté. "Il y a un réel ras-le-bol et une réelle remontée du terrain. A un moment, il faut qu’on canalise les choses pour pas que ça parte dans tous les sens et empêcher par exemple que les portiques de l’écotaxe fument en Ile-de-France", a poursuivi le syndicaliste. "Moi, tout céréalier nanti que je suis, je me dégage un revenu annuel entre 15 et 20.000 euros en ayant des emprunts qui équivalent à une très belle maison en Ile-de-France. Et les aides de la PAC sont largement supérieures à mon revenu. Si on les diminue, on diminue mon revenu", a-t-il expliqué.