La Chine succombe à la propriété privée

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Administrator User , modifié à
Au terme de deux semaines de débats rythmés par les préoccupations relatives à l'écart de richesses entre villes et campagnes, le parlement chinois a adopté une loi sur la propriété privée. Elle vise à renforcer la protection des détenteurs d'actifs privés et de restreindre les expropriations illégales. Mais selon ses détracteurs, elle porte le risque de renforcer les inégalités sociales et entre en contradiction avec les principes socialistes. L'Assemblée nationale populaire a aussi décidé de relever la taxe professionnelle pour les sociétés étrangères.

C'est un nouveau pas historique dans le passage de la Chine communiste à l'économie de marché. L'Assemblée nationale populaire, qui tenait sa session annuelle et est largement confiné à un rôle de chambre d'enregistrement des grandes décisions du Parti communiste au pouvoir pour l'année à venir, a entériné la loi sur la propriété à une écrasante majorité. Seuls 52 délégués sur près de 3.000 ont voté contre la loi sur la propriété. Toutefois, cette loi a suscité un débat inédit. Elle avait même subi un record de sept relectures avant d'être retiré de l'ordre du jour de la session annuelle l'année dernière. La nouvelle loi vise à renforcer la protection des détenteurs d'actifs privés et de restreindre les expropriations illégales. Mais selon ses détracteurs, elle porte le risque de renforcer les inégalités sociales et entre en contradiction avec les principes socialistes. La loi protège mieux les actifs d'entreprises mais prévoit peu pour les agriculteurs, dont les terres détenues collectivement sont toujours exposées au risque d'expropriation par les autorités locales et ne peuvent être utilisées comme garantie pour l'obtention d'un prêt. Autre décision importante. L'Assemblée nationale populaire a décidé de relever la taxe professionnelle pour les sociétés étrangères. Seuls 37 députés se sont opposés à cette loi. La loi sur la taxe professionnelle met fin au traitement préférentiel dont bénéficiaient jusqu'ici les sociétés étrangères en instaurant un taux unique de 25%. Les analystes estiment toutefois que cette mesure ne devrait guère dissuader l'investissement étranger direct. Moins que par les impôts, les sociétés étrangères sont avant tout préoccupées par la nécessité d'une meilleure transparence des règles du jeu économique. Le Premier ministre Wen Jiabao avait déclaré dans son discours d'ouverture que les grands thèmes de la session annuelle porteraient sur les économies d'énergie, la lutte contre la pollution et l'augmentation des dépenses au profit de la campagne, où sont recensées de plus en plus de manifestations de colère sociale. Il a repris et développé ces thèmes lors de sa conférence de presse annuelle, estimant que le Parti communiste devait s'attacher aux groupes sociaux laissés de côté par le boom économique chinois, les paysans en particulier. Wen Jiabao a aussi réaffirmé la volonté du gouvernement de mettre en place une nouvelle agence chargée d'investir une partie des gigantesques réserves de change du pays, les plus fortes au monde, qui s'élèvent à plus de 1.000 milliards de dollars. Et même si Wen Jiabao a annoncé une hausse de 15,3% des dépenses budgétaires pour les zones rurales, le financement pour le développement des campagnes augmentera à un rythme légèrement moindre que celui du budget global et nettement inférieur à la hausse de 17,8% des dépenses militaires. L'organisation américaine Human Rights Watch a déclaré que la session parlementaire avait été marquée en parallèle par une répression accrue contre les dissidents et par une hausse des assignations à résidence. Plus de 700 signataires d'une pétition qui avaient fait le voyage de Pékin pour réclamer des mesures contre les abus des autorités locales ont été interpellés et renvoyés de force chez eux. Il s'agit selon l'ONG d'une des opérations de police les plus vastes depuis des années.