L'assassinat du berger de Castellar revient devant la justice

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Administrator User , modifié à
Cinq ans après l'acquittement de son oncle Alain Verrando, Jérôme Verrando, 32 ans, comparaît depuis hier devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes pour l'assassinat il y a seize ans du berger de Castellar, alias Pierre Leschiera. A Castellar, plus personne ne parle de cette affaire qui a achevé de diviser le village.

Le clan Verrando, aujourd'hui divisé, revient devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes pour la mort du berger de Castellar. Le 17 août 1991 dans ce village du haut pays mentonnais, "Pierre le berger", 33 ans, était tombé à l'aube dans un guet-apens. Abattu à coup de chevrotines dans le dos, il avait été achevé d'une décharge en pleine tête alors qu'il partait à moto rejoindre son troupeau dans la montagne. A l'époque, les soupçons se portent sur le clan Verrando, une famille de rudes maçons. "Grandes gueules", chasseurs impénitents mais influents à Castellar, les Verrando étaient en guerre ouverte contre la victime. C'était de notoriété publique. Au-delà d'une détestation mutuelle liée à la pratique de la chasse, la pomme de discorde entre le clan et Pierre Leschiera tournait autour d'un droit de passage, un chemin emprunté par le troupeau du berger, que les Verrando s'étaient appropriés et dont ils lui refusaient l'accès. Un différend à l'origine d'insultes, d'une haine cristallisée contre le berger et sa famille, menaces de mort à l'appui.Après des années d'enquête et d'atermoiements judiciaires, Alain Verrando, l'oncle de Jérôme, est jugé pour "assassinat" en avril 2002. Il était incapable de fournir des explications cohérentes sur son emploi du temps le matin du drame. Des traces de poudre avaient été retrouvées sur ses mains. Onze ans après les faits, le maçon s'est défendu en disant que la poudre provenait sans doute d'un outil, une sorte de pistolet avec lequel il perçait le béton. Acquitté faute de preuve au terme d'une semaine de procès, le parquet a fait appel de cette décision. Alain Verrando sera donc rejugé à une date qui n'a pas encore été fixée. Si en 2002 la justice n'est pas parvenue à désigner le coupable du crime, les audiences en revanche ont provoqué au fil des jours des lézardes dans le clan Verrando. Dans son box peu avant la fin du procès, Alain Verrando a fait porter des soupçons de culpabilité sur son neveu Jérôme, 16 ans au moment du drame, alors que "l'omerta", la loi du silence, et la solidarité avaient toujours prévalu dans la famille.Le jeune homme a donc été mis en examen pour l'assassinat du berger et est aujourd'hui jugé. "Mon client est un coupable de substitution", dit Me Eric Dupond-Moretti son défenseur. "Dans cette affaire, la justice réécrit l'histoire et se livre à une espèce de bonneteau. Une fois elle met en cause l'oncle, puis maintenant le neveu alors que dans l'enquête il n'a jamais été question de deux coupables". A l'époque, comme son oncle, des résidus de poudre ont été retrouvés sur les mains, les bras et les vêtements de Jérôme. A la barre, des témoins se sont rappelés qu'il avait lancé contre Pierre Leschiera : "Un jour je te mettrai une balle dans la tête". Lors du procès en 2002, la jeune femme qui lui avait servi d'alibi pour la nuit précédant l'assassinat s'est troublée. Elle a reconnu n'être "plus tout à fait sûre d'avoir été avec lui à ce moment là".Dans le prétoire lundi, Laure Leschiera la fille de Pierre le berger, qui était toute petite quand son père a été assassiné, a les yeux rougis par les larmes. Aujourd'hui, elle a vingt ans, elle est partie civile et elle attend depuis seize ans la vérité sur la mort de son père. "Je crois qu'à la fin de cette semaine on va finir par savoir", dit-elle.