Infirmières bulgares : libres mais traumatisées

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Les infirmières et le médecin bulgares détenus en Libye goûtent à la liberté depuis mardi. Mais après toutes ces années passées dans les geôles de Tripoli, dans des conditions difficiles, ils sont épuisés et souffrent surtout de graves séquelles psychologiques. Et cela ne devrait pas faciliter leur rétablissement : la grâce dont ils ont bénéficié a été remise en cause jeudi par les autorités libyennes.

Les infirmières et le médecin bulgares souffriraient du syndrome du "sous-marinier". Celui que l'on ressent après un long séjour dans un espace clos, dans de mauvaises conditions. Ce sont les conséquences psychologiques de leurs huit années de détention dans les prisons libyennes. Ils souffrent notamment d'agoraphobie, de peur de la foule. Les six praticiens subissent des examens de santé très profonds depuis mercredi à l'hôpital de Sofia en Bulgarie. Les médecins qui s'occupent d'eux ont précisé qu'ils "traversaient actuellement la période la plus dure" et qu'il était "difficile de prévoir comment ils réagiraient à la décompensation après une longue période de stress". Et les messages de soutien ou les cadeaux qui arrivent de toutes parts - des appartements, des téléphones portables, des vacances à la mer- ne devraient pas suffire à leur faire oublier en un clin d'oeil les dernières années vécues loin de chez eux. Les infirmières et le médecin bulgares ont organisé une première conférence de presse mercredi mais seuls trois des praticiens ont en fait pu y participer. "Nous savons que nous sommes sortis de l'enfer pour revenir au paradis", a raconté l'infirmière Kristiana Valtcheva. Les praticiens, qui avaient été condamnés à mort sous l'accusation d'avoir inoculé le sida à des enfants en Libye, n'ont pas voulu s'étendre sur leurs conditions de détention et n'ont pas directement raconté les tortures qu'ils ont subi. "Nous ne voulons pas revenir sur les mauvaises choses que nous avons endurées. Nous voulons oublier ce qui s'est passé durant ces huit années et demi et vivre une nouvelle vie", a-t-elle encore précisé. "Nous sommes innocents et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. C'est le message que je veux adresser au monde", a résumé le médecin d'origine palestinienne, Achraf Joumaa Hajouj. Mais mercredi, on a appris un nouveau contre-temps dans cette affaire : les familles des enfants libyens morts du sida ont eux exigé que les praticiens soient de nouveau arrêtés par Interpol. Les familles s'opposent en fait ainsi à la décision de grâce accordée par le président bulgare. Leur demande a été reprise par les autorités libyennes jeudi. Tripoli a protesté à son tour mais cette fois de façon officielle contre la grâce accordée aux praticiens. Pour la Libye, il s'agit d'une violation des accords signés entre les deux pays. Mercredi, dans un communiqué assez confus qui fait référence notamment à Oussama Ben Laden, certaines familles des enfants libyens atteints du virus du sida, avaient exigé que les infirmières et le médecin soient de nouveau arrêtés par Interpol pour purger la fin de leur peine en prison. Pour ces familles, victimes elles aussi dans ce dossier, il est en fait impensable que les infirmières aient été ainsi graciées par le président bulgare dès leur arrivée à Sofia mardi. Pour elles, cette décision est "irresponsable" et constitue une nouvelle preuve que "l'Occident méprise le sang musulman". La Bulgarie a dressé une fin de non-recevoir à ces protestations. Pour le médecin bulgare, de toute façon, cela ne fait aucun doute : "notre innocence sera prouvée un jour".