EADS : un rapport initial et des soupçons de délit d'initié

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
L'Autorité des marchés des financiers a transmis au parquet un rapport préliminaire sur EADS qui fait état de ventes concomitantes et massives des principaux dirigeants du groupe. Pour l'instant, le délit d'initié n'est pas formellement constitué mais les soupçons se précisent.

Dans son rapport préliminaire transmis au parquet, l'AMF pointe du doigt des ventes de titres EADS suspectes, effectuées en novembre 2005 et en mars 2006. Elles concernent environ 1.200 personnes physiques et morales, parmi lesquelles 21 hauts responsables d'EADS, maison-mère d'Airbus. L'Autorité des marchés des financiers avait ouvert cette enquête le 16 juin 2006, soit trois jours après l'annonce de retards supplémentaires de l'Airbus A380, qui avait fait perdre au titre un quart de sa capitalisation boursière sur la seule journée du 14 juin.

Selon Le Figaro, l'Etat, qui détient 15% d'EADS et est donc représenté au conseil du groupe, connaissait également la situation difficile du groupe à la fin de l'année 2005. A l'époque, Thierry Breton, ministre des Finances, aurait reçu une note incitant les pouvoirs publics à céder leur participation en raison des turbulences à venir. L'ancien ministre a toutefois affirmé mercredi que cette note ne contenait aucun élément nouveau sur les retards de l'A380. Christine Lagarde, la ministre de l'Economie et des Finances, a ajouté à l'Assemblée nationale que les services de Bercy avaient recommandé une réduction de la participation de l'Etat dans EADS début 2006, mais que c'était pour des raisons de valorisation et non pas en conséquence des retards de l'A380. Thierry Breton a estimé que l'Etat avait eu un "comportement irréprochable" dans le dossier, rappelant que "par le pacte d'actionnaires, l'Etat n'avait ni à autoriser ni à empêcher la vente d'actions d'autres actionnaires, qui étaient totalement libres de leur stratégie". L'Etat n'a jamais vendu d'actions EADS, contrairement à Lagardère et DaimlerChrysler qui se sont tous deux défaits d'une participation de 7,5% dans EADS le 4 avril 2006, soit quelque deux mois avant l'annonce des retards.

Le groupe Lagardère (dont fait partie Europe 1) a démenti tout délit d'initié lors de la vente à terme de la moitié de sa participation, ajoutant qu'il était prêt à aller en justice pour obtenir réparation des dommages subis. De son côté Daimler reste silencieux. Louis Gallois, actuel P-dg d'EADS mais qui n'était pas aux commandes lors des faits, s'est refusé lui aussi à tout commentaire, soulignant que le rapport n'était que préliminaire.

Les retards de l'A380, qui ont entraîné la première perte de l'histoire d'Airbus en 2006 et qui pèseront sur les comptes d'EADS jusqu'en 2010, ont plongé EADS et Airbus dans la crise faite d'une valse de dirigeants et de tensions franco-allemandes sur les mesures à prendre pour en sortir. La conséquence la plus spectaculaire des turbulences est le plan de réorganisation "Power 8", annoncé en février et mis en oeuvre depuis avec, à la clef, 10.000 suppressions d'emplois en quatre ans en Europe, dont la moitié chez les sous-traitants.

L'annonce de la transmission du rapport de l'AMF au parquet intervient à une dizaine de jours de la livraison, prévue le 15 octobre, du premier exemplaire de l'A380 à Singapore Airlines, événement que l'avionneur voudrait pouvoir présenter comme un nouvel élan après ces heures noires. "Cette annonce va faire beaucoup de mal aux salariés. Nous n'avions pas besoin de cette affaire au moment même où, en plein plan social, nous avions quand même décidé de faire la fête avec le lancement prochain du 380. Cela va de nouveau ternir l'entreprise", a commenté Françoise Vallin, déléguée centrale CFE-CGC.