EADS : soupçon de délit d'initiés pour les actionnaires et dirigeants

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Dans un rapport accablant, l'Autorité des marchés financiers estime que les actionnaires et les dirigeants du groupe EADS se sont rendus coupables d'"un délit d'initiés massif". Ils auraient vendu des actions alors qu'ils connaissaient les difficultés d'Airbus, avec la complicité de l'Etat. Thierry Breton, ministre de l'économie de l'époque et invité d'Europe 1, s'est lui montré formel : "l'Etat n'a pas donné de feu vert".

Les dirigeants et les actionnaires du groupe EADS se seraient rendus coupables d'un délit d'initiés massif : c'est la conclusion d'une note préliminaire de l'Autorité des marchés financiers, qui a été transmise au parquet de Paris et qui est révélée ce matin par Le Figaro. Un document qualifié d'"accablant pour les groupes Lagardère, DaimlerChrysler, actionnaires d'EADS, ainsi que pour les principaux dirigeants du groupe européen et de sa filiale Airbus". Selon ce rapport, ils ont vendu leurs actions avant de rendre publiques les difficultés d'Airbus qu'ils connaissaient, ce qui a provoqué un effondrement des cours". Les faits se seraient déroulés entre fin 2005 et début 2006 et concernent les retards de livraison de l'A380.

Le ministre des Finances de l'époque Thierry Breton est également mis en cause dans cette affaire. Toujours selon Le Figaro, il a donné son feu vert à la vente des actions, alors qu'il était "également informé des difficultés" de l'avionneur. Thierry Breton s'est défendu mercredi soir sur Europe 1 d'une telle intervention : "L'Etat n'a pas à donner ni son feu vert, ni son feu rouge, il n'en a tout simplement pas l'autorisation". Il a également expliqué avoir bien reçu une note de recommandation rédigée par ses services fin janvier 2006 qui lui conseillait de vendre une partie des actions EADS détenues par l'Etat en raison de la bonne valorisation du groupe à l'époque. Mais selon lui, cette note ne faisait pas état de retards dans le programme A380. Thierry Breton a aussi précisé qu'il avait refusé de vendre à ce moment-là une partie des 15% du capital détenus par l'Etat.

L'actuelle ministre de l'Economie et des Finances, Christine Lagarde, a elle aussi rejeté la possibilité d'"un quelconque délit d'initié" de la part de l'Etat, qui "n'a jamais cédé une seule action" en raison du "caractère stratégique de l'entreprise". A gauche, Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, a estimé qu' "il y a certainement un grave scandale derrière. Il s'agit de l'industrie européenne, de l'avenir des emplois, des salariés de ces entreprises en particulier à Airbus". Pour le Vert Noël Mamère, "il y a une véritable complicité entre les plus hauts dignitaires de l'Etat et le complexe militaro-industriel et même le complexe militaro-audiovisuel".

1.200 initiés auraient été identifiés mais l'AMF s'est concentrée sur 21 personnes. Le gendarme de la bourse française a confirmé avoir transmis en septembre au parquet une "note d'étape" sur ces délits présumés, mais il a souligné que ses "investigations ne sont pas achevées" et qu'elle "ne s'est pas prononcée sur les faits". La juge du pôle financier Xavière Simeoni pourrait être chargée d'instruire l'affaire. Les deux grands actionnaires privés, Lagardère et DaimlerChrysler, seraient suspectés d'avoir vendu chacun 7,5% du capital le 4 avril 2006, au plus haut, pour 2 milliards d'euros chacun.

Le groupe Lagardère a annoncé de son côté dans un communiqué qu'il allait lancer une action en justice pour obtenir "réparation" après la "diffusion dans les médias d'un document provisoire de l'AMF" qui a donné lieu à des "accusations infondées" sur un délit d'initiés chez EADS.