Des photos-choc de l'Erika lors du procès

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Administrator User , modifié à
Cinq photos inédites prises sur le pont du pétrolier Erika à la veille de son naufrage le 12 décembre 1999 au large de la Bretagne ont été produites lundi par une partie civile alors que le procès de la société Total et de douze autres personnes physiques et morales est entré dans son 3ème mois. Les clichés pris par les marins de l'Erika montrent des fissures sur le pont du navire.

Coup de théâtre au procès de l'Erika. Le Collectif "anti-marée noire" a versé au dossier lors de l'audience de lundi, cinq photos inédites, qu'il dit avoir obtenu en Inde auprès d'un proche des marins indiens qui avaient été secourus avant le naufrage. Ces clichés pris par les marins de l'Erika et où figure la datation électronique du 11 décembre 1999 montrent des fissures sur le pont du navire, qui prennent pour certaines l'eau. Les photos ont fait l'objet en 1999 d'un chantage et d'une vaine tentative de commercialisation au prix de 500.000 dollars auprès de Giuseppe Savarese, propriétaire italien du navire, a expliqué à l'audience Antonio Pollara, gestionnaire du navire et autre prévenu. "Nous avons refusé cette rançon", a-t-il dit. Aux yeux de certaines parties civiles, ces photos qui ne figuraient pas au dossier judiciaire renforcent la thèse de l'accusation, selon laquelle les différents prévenus ont sciemment accepté de travailler avec un navire vermoulu et qui présentait de gros risques. Le tribunal a entendu lundi plusieurs experts consultés à l'instruction sur le naufrage. Interrogés à l'audience sur les photos, ils ont dit ne pas pouvoir situer les fissures sur le navire. Ils ont exposé par ailleurs leurs conclusions sur les causes de l'accident. "L'Erika s'est cassé à la fatigue, à la manière d'un bâton de bois vert qu'un enfant tord dans un sens et dans l'autre jusqu'à ce que les fibres commencent à céder", a dit un l'expert Dominique Paulet. Bien que le navire ait navigué avec des papiers et des certificats en règle, son mauvais état avait été noté lors d'inspections de "vetting" (procédures internes de contrôle des compagnies pétrolières) et son affrètement avait été refusé par BP et Shell en 1999, a relevé cet expert. Un autre expert, Philippe Clouet, a fait remarquer que des dépositions du dossier et des éléments techniques laissaient penser que les fissures du pont se trouvaient à l'avant du navire, à un endroit où la société italienne Panship, gérant technique du bâtiment, semble selon l'accusation avoir fait des économies de réparation lors d'une révision générale au Montenegro en 1998. L'Erika, navire vieux de 24 ans, s'est brisé en deux le 12 décembre 1999 au large de la Bretagne dans une tempête avant de sombrer, déversant 20.000 tonnes de fioul sur 400 km de côtes. Quelque 70 communes, régions, départements, associations, ainsi que l'Etat français demandent un milliard d'euros à Total. L'accusation de "pollution maritime et complicité de mise en danger d'autrui" portée contre la société Total est contestée par la compagnie, qui soutient avoir été trompée sur le véritable état de l'Erika et rappelle que le bateau avait été certifié par le Rina, société italienne de réputation internationale, également prévenue au procès. Une condamnation de la société pétrolière comme affréteur, au-delà des conséquences financières qu'elle aurait, changerait les données juridiques du transport pétrolier.