Betancourt : l'Elysée encore prudent après la réponse des Farc

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
En réponse au message envoyé par Nicolas Sarkozy pour demander la libération notamment d'Ingrid Betancourt, les Farc ont demandé au président français de faire preuve de plus d'impartialité s'il veut parvenir à un accord. Nicolas Sarkozy avait dit qu'il ne partageait pas les opinions des Farc. Mais l'Elysée a dit vendredi se montrer très prudent, n'excluant pas que ce message ne vienne pas directement de Manuel Marulanda, le chef de la guérilla.

"Un message sibyllin, ambigu et surtout anonyme" : l'Elysée a commenté avec la plus grande prudence vendredi la "réaction attribuée aux Farc" après le message de Nicolas Sarkozy. "Il nous est difficile de l'imputer, de l'attribuer très directement à Marulanda", a expliqué David Martinon, le porte-parole de L'Elysée, faisant référence au chef de la guérilla colombienne. Or le message du président français était adressé directement à Manuel Marulanda. Sur le dossier des otages, "nous allons à nouveau entrer dans une phase où nous serons discrets", a de toutes façons prévenu David Martinon.

Nicolas Sarkozy avait dit dans son message qu'il ne partageait pas les opinions des Farc et qu'il réprouvait leurs méthodes d'action. C'est cet aspect de son appel en faveur de la libération des otages en Colombie et en particulier d'Ingrid Betancourt, que les dirigeants de la guérilla ont retenu. Leur première réponse au président français, rendue publique jeudi soir est une mise en garde : "une médiation internationale ne doit pas favoriser une partie ou une autre, sous peine de perdre sa crédibilité", dit le mouvement marxiste dans un communiqué tout en jugeant "louable" l'initiative du président.

Vue de Colombie, l'initiative de Nicolas Sarkozy en faveur de la libération d'Ingrid Betancourt et des otages est accueillie au mieux avec prudence. Si les messages qu'il a envoyés aux Farc constituent bien un événement, à la une de tous les journaux, les Colombiens restent réticents à toute médiation extérieure et à tout traitement privilégié pour Ingrid Betancourt, rappelant souvent que la question des otages ne se résume pas au sort de la Franco-colombienne. Selon la sénatrice Piedad Cordoba, l'ancienne médiatrice aux côtés d'Hugo Chavez dans ce dossier des otages, le message envoyé par le président français Nicolas Sarkozy au chef de la guérilla des Farc n'aura "aucun" effet. "La seule personne qui peut faire changer les choses, est Pedro Antonio Marín, alias "Marulanda", et c'est logique. Mais comment procéder pour que cette personne change de position, voilà qui est difficile", a rappelé le sénateur du Pôle démocratique (gauche) Gustavo Petro. Le président colombien Alvaro Uribe a lui annoncé qu'il "partageait et respectait" la demande du président français.

Deux messages, l'un pour les FARC, l'autre pour les otages de la guérilla marxiste. C'est mercredi soir, à l'Elysée, que le président a enregistré ses deux messages. L'adresse aux otages passera par Radio France Internationale (RFI) qu'Ingrid Betancourt a dit pouvoir capter. L'autre message a été mis en images par TF1 et injecté dans le réseau mondial d'images Serpe, devenant ainsi accessible aux chaînes qui veulent le retransmettre. Le président s'exprime en français, avec sous-titrages en espagnol. Au chef de la guérilla colombienne, le chef de l'Etat français "demande solennellement de relâcher Ingrid Betancourt et de ne pas porter sur (sa) conscience le risque que ferait peser sa disparition". "Je m'engage de mon côté à continuer à m'impliquer personnellement dans la recherche d'une solution humanitaire, pour la libération de tous les autres séquestrés. Au-delà, je m'engage à redoubler d'efforts, si cela est souhaité, pour contribuer à trouver une issue au conflit colombien". "Je forme un rêve : celui de voir Ingrid au milieu des siens pour Noël", conclut le président de la République.

Dans le message destiné aux otages, Nicolas Sarkozy leur déclare: "je veux m'adresser à vous tous pour vous apporter le message de solidarité de la France. Solidarité avec la Colombie, qui vit une tragédie quotidienne dont plus personne ne perçoit le sens; solidarité avec vous, retenus injustement, cruellement, en otages; solidarité avec vos familles, avec vos amis, qui mesurent le temps perdu sur le calendrier des souvenirs". "A tous, je veux le dire: la France ne vous oubliera pas. Elle ne vous oubliera jamais", ajoute-t-il.

A la fin de ce message "d'amitié, de solidarité et d'espoir", Nicolas Sarkozy s'adresse "plus particulièrement à Ingrid Betancourt, [ma] compatriote". "Je veux vous dire, chère Ingrid, mon admiration pour votre dignité, pour votre courage dans une situation où des êtres plus faibles auraient perdu jusqu'à leur humanité, déclare-t-il. "Je veux vous dire l'affection des vôtres, avec lesquels j'entretiens une relation confiante et régulière; Je veux vous apporter le témoignage du refus de la France d'accepter l'inacceptable. Ingrid, nous ne vous laisserons jamais tomber. Je vous supplie d'avoir confiance. Nous y arriverons. Il faut que vous teniez parce que votre famille vous attend", conclut le chef de l'Etat.

La soeur d'Ingrid Betancourt, Astrid, qui venait de s'entretenir par téléphone avec leur mère Yolanda Pulecio, résidant à Bogota, a déclaré "qu'àprès ces journées de profonde douleur, nous remercions le geste fort, audacieux et emprunt d'humanité de Nicolas Sarkozy", "Nous espérons que Manuel Marulanda saisisse la portée d'un tel appel fait par le président français devant les drapeaux de la France et de la communauté européenne", a-t-elle souligné en ajoutant attendre "un geste humanitaire de Manuel Marulanda, c'est-à-dire la libération d'Ingrid". La Fédération des comités Ingrid Betancourt (Ficib) a également salué "le geste humain et solennel du Président Sarkozy qui, pour la première fois, s'adresse directement au commandement des FARC." Le comité Agir pour Ingrid a indiqué de son côté ne pas douter "un instant que ce message agira comme un sérum de survie pour Ingrid Betancourt et les otages de Colombie".

L'initiative de Nicolas Sarkozy intervient quelques jours après la publication de preuves de vie de seize des otages. Parmi ces preuves, une longue lettre d'Ingrid Betancourt, prisonnière depuis plus de cinq ans dans la jungle colombienne, et une vidéo la montrant totalement abattue et à bout de forces. Dans sa longue missive à sa mère, datée du 24 octobre, la jeune femme exprimait tout l'espoir et la confiance qu'elle plaçait en la France et son président.