DOCUMENT EXCLUSIF - Jean Fauque raconte Alain Bashung

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Entretien avec Jean Fauque, éternel compagnon de route d’Alain Bashung, parolier et chanteur.

"34 ans sans l'ombre d'une dispute". C'est le temps qu'a durée l'amitié entre Jean Fauque et Alain Bashung. Jean Fauque, l’interprète d'un Bashung à fleur de peau qui a choisi la musique comme vecteur d'expression. Il faut dire que l'homme a du mal à extérioriser. Alors que Gaëtan Roussel revisite Bashung et son album culte, Play blessures, Jean Fauque, parolier, chanteur mais aussi ami intime d'Alain Bashung, replonge 32 ans en arrière et évoque avec émotion l'homme, le travail au studio 92 de Boulogne-Billancourt, et la rencontre avec Serge Gainsbourg.

Ecoutez Jean Fauque qui raconte Bashung

 

Les années 80 : le succès soudain

En 1981, Jean Fauque accompagne Bashung en tournée "un peu comme nounou, habilleuse, surveillant..." Il est là pour "le protéger de l'extérieur mais aussi sans doute de lui-même et d'éventuels excès, surtout sur la boisson." Il faut dire qu'avec Gaby (1980), Bashung est brutalement passé "du froid à l'eau bouillante", de deux albums un peu "underground" à un million de 45 tours. Là dessus l'album Pizza (1981) sort et rebingo avec Vertige de l'amour (1981). Tout arrive à la fois.

La dépression 

Septembre 1981 - quelque chose commence à mal tourner chez Alain. Jean Fauque se souvient du passage aux alcools forts. Lui qui était plutôt "bière et pinard commence à taper dans le whisky et le pastaga." Il commence à grossir. A un moment le visage s'empâte. "On aurait dit Pompidou sous traitement à la cortisone", fait remarquer Jean Fauque. Bashung se renferme. La souffrance se fait palpable tandis que le succès continue. "Il continue mais ça ne va pas" conclut son ami. Avec Chantal, la seconde épouse de Bashung, ils sont comme les spectateurs impuissants d'un lent glissement des choses. Fatalité de la dépression.

La descente en Enfer

 Noël 1981 - Fin de l'année, Bashung se terre chez lui, ne voit plus personne. Jean Fauque raconte : il passe le réveillon chez des amis mais le cœur n'y est pas. Il est en réalité très inquiet. Ce qu'il craignait arrive. Chantal l'appelle, tremblante : "Je ne peux plus rien contrôler il faut que tu viennes". Fauque en a pour 1h15. "J'espère qu'il sera encore là quand tu arriveras" lui souffle Chantal. C'est le "flip de sa vie". La voiture lambine. Il l'insulte, elle se traîne toujours. Il finit par arriver dans le village de Normandie où se trouve alors son ami ; Bashung est là, dans la cuisine. "Alors j'ai vu quelqu'un qui était devenu quelqu'un d'autre." Avec une tristesse et un abattement infinis dans le regard. Bashung lui avoue alors qu'il a voulu s'enfoncer un  couteau dans le cœur.       

La pénible remontée

5 janvier 1982 - Après quelques jours à Dakar où le chanteur ne parvient pas à se sortir de sa dépression, les voilà repartis pour Bern, en Suisse, dans une pension de famille bien tranquille. Un décor à la Hitchcock. Alain Bashung remonte alors la pente avec la même puissance que sa chute. Au bout de deux jours, il exprime l'envie de se remettre au travail. Il projette de se séparer de Boris Bergman (parolier des premiers succès). Il pense déjà à Gainsbourg. A peine sorti de sa déprime donc, "le puzzle commence à se mettre en place." Ils restent une dizaine de jours en Suisse, puis ils rentrent et Bashung se remet au travail.

Avril/mai 1982 - Bashung est revenu à la vie. Les morceaux "tombent les uns derrière les autres (...) prennent une tournure électro, new wave, sinon punk, au risque assumé, et certainement voulu, d'emmerder la maison de disque, voire d'emmerder tout le monde" explique Jean Fouque, un sourire sur les lèvres. Play Blessures est de toute évidence un disque "en réaction".

La rencontre avec Serge Gainsbourg

Juin 1982 - Entre Bashung et Gainsbourg, le feeling passe tout naturellement. Les deux personnages, les deux introvertis se rencontrent et se comprennent.

Un jour c'est au tour de Jean Fauque de rencontrer Serge Gainsbourg. Il joue un peu le pont entre les deux hommes qui ont du mal à surmonter leur timidité. Jean Fauque raconte alors la collaboration rue de Verneuil, l'admiration réciproque, la capacité de travail et les délires.

En janvier 2009, Alain Bashung s'agaçce à l'évocation d'une biographie. Puis, raconte Jean Fauque, il ajoute " J'men fous, mais si jamais on raconte des conneries sur moi Jeannot, tu feras gaffe hein?" De quoi émouvoir son confident et ami qui voit alors dans ces paroles "un au revoir". Pourquoi accepter de parler aujourd’hui ? A la question, Jean Fauque répond simplement "Je voulais témoigner du fait que derrière les paillettes et la célébrité, il y a beaucoup de douleur". Et d'hommes brisés.

Avec Jean Fauque (parolier d’Alain Bashung), Thierry Lecamp (animateur Europe 1), Gilles Médioni  (journaliste à l’Express), Victor Hache (journaliste à l’Humanité), Lionel Truc (chargé de communication à la Sacem).

Enregistré en juillet 2013 aux Francofolies de la Rochelle.