Demongeot : "J'attends qu'une fédération se porte partie civile"

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Isabelle Demongeot, ancienne joueuse de tennis et victime de Régis de Camaret, se confie au micro de Thomas Sotto.

Invitée : Isabelle Demongeot, ancienne joueuse de tennis, victime de Régis de Camaret

Ce matin à 7h45, Europe 1 recevait Isabelle Demongeot, ancienne joueuse de tennis, victime de Régis de Camaret.

Ses principales déclarations :

 

L'histoire de Levallois rappelle ce que vous avez vécu... Comment avez-vous réagi en apprenant cette histoire ?

"Ça me touche profondément évidemment, ça me replonge dans mon trauma, c'est encore tout récent, c'était en février... Ça m'attriste de voir que ça existe encore aujourd'hui... Je pensais que ça pourrait être mieux dans les prochaines années, et finalement je me rends compte que de sales choses se passent encore. C'est vraiment dommage."

Vous connaissez le suspect, vous avez été profs dans deux clubs très proches... Il avait une personnalité contestée ?

"Franchement, moi je l'ai connu, j'ai principalement échangé sur le tennis, la technique, c'était un passionné, il passait des heures sur le court... Il aimait bien le tennis féminin et masculin, il dirigeait un peu l'ensemble des équipes, les meilleurs joueurs et joueuses du club de Sarcelles, moi j'étais à Villiers-le-Bel... Mais je n'ai rien pu déceler du tout, en tout cas à ce moment-là, concernant cet homme..."

 

Il n'y avait pas de rumeurs, quelqu'un dont les parents se méfiaient... ?

"En tout cas, à cette époque-là, je n'ai rien entendu le concernant."

Le point commun avec votre affaire, ce sont ces victimes qui ne parlent pas... Pourquoi se taire ?

"Tout ça est enfoui au plus profond de vous, il y a toujours cette culpabilité, cette honte, de dire les choses, de raconter ce qui se passe réellement, ce traumatisme que vous subissez régulièrement. Et il y a toujours ce chantage de l'entraîneur qui vous dit que c'est grâce à lui que vous jouez bien, que vous gagnez des matchs, que vous allez avancer et que ce sera peut-être grâce à lui que vous deviendrez une des meilleures joueuses du monde. Donc dans la tête des jeunes filles, c'est dur de parler, et surtout si elles commencent à avoir des résultats, si ça marche : c'est le rêve de toutes les jeunes filles de devenir championne de tennis. A un moment donné, c'est clair que ces entraîneurs se rendent indispensables à votre parcours. On a peur de tout perdre : à partir de là, c'est difficile de parler. A un moment, ça se réveille, ça vous rattrape quoi qu'il arrive, ou par des médecins qui vous aident, ou par votre entourage qui vous dit de porter plainte. Ce qui m'a fait réagir, c'est qu'on m'a dit : "Mais s'il est toujours au contact de jeunes enfants, c'est inacceptable, il ne faut pas le laisser faire..." A partir de là se passe une vraie réaction, je pense que c'est là où la parole doit se libérer."

Les victimes de Levallois se sont dises sous emprise...

"C'est du quotidien, chaque minute, une organisation, une planification des entrainements mais aussi des moments où cette personne va abuser de vous. Evidemment, c'est aussi rassurer l'entourage, la famille, en disant qu'ils font tout pour vous aider à accéder au plus haut niveau."

Dans la relation entre un jeune sportif et l'entraineur, l'entraîneur rentre quasiment dans la famille...

"C'est vrai qu'il venait régulièrement à la maison, il avait fait confiance à mon papa qui organisait et planifiait tous nos voyages à cette époque... Mon père s'est impliqué et ne s'est jamais aperçu de rien, même si certains soirs je rentrais dans un état vraiment difficile, où j'avais du mal à parler, je pleurais. Les questions venaient quelques fois mais je n'arrivais pas à le dire."

Ce qui s'est passé à Levallois : tragique répétition de l'histoire ou vous pensez que ce n'est pas forcément dû au hasard ?

 

"Franchement j'ai envie de dire qu'aujourd'hui la fédération malheureusement se retrouve dans une situation où elle va essayer de mettre en œuvre tout son programme de lutte à ce sujet..."

Il est suffisant ?

"Non ! Je pense que globalement ce serait bien de l'humaniser un peu : il faut accompagner beaucoup plus ces victimes au moment où elles parlent. C'est déjà tellement difficile de parler ; après il faut continuer à les accompagner au jour le jour jusqu'à la fin de la procédure, les accompagner financièrement, les aider à se reconstruire et essayer de maintenir leurs jobs. Certaines sont effrayées d'être écartées parce qu'elles sont ces femmes violées et qu'on ne voit plus que ça et plus les joueuses de tennis qu'elles ont été."

 

Le Président de la Fédération, Gilbert Ysern, a dit que c'était une mauvaise publicité pour le sport. Qu'attendez-vous de lui ?

 

"J'attends qu'une fédération se porte partie civile derrière les victimes, qu'il y ait un vrai programme clair et net, et écrit. Ces lettres anonymes qui pourraient arriver : comment sont-elles traitées aujourd'hui ? La fédération est amenée à mettre en œuvre quelque chose de bien précis, d'écrit, pour les gens puissent récupérer ces informations. Que fait-on quand une joueuse se manifeste : comment l'accompagne-t-on, l'aider, vers qui va-t-elle se diriger, choisir un avocat... Il y a beaucoup de choses à faire."

Que conseillez-vous à ces filles de Levallois ?

"Je trouve que c'est extraordinaire qu'elles arrivent à parler, si jeunes, si tôt : c'est grâce à ça qu'elles vont se reconstruire. Je les trouve très courageuses d'avoir pu le faire en temps et en heure, par rapport à la prescription. Il faut qu'on les accompagne encore quelques temps car la procédure vient de commencer : dans deux-trois ans, ce sera derrière elles. Je pourrais les aider si elles le souhaitent. Des choses existent aujourd'hui, c'est vers ces thérapies qu'il faut les accompagner, les guider."