Le sommet de Minsk ou le "casse-tête ukrainien"

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avec Matthieu Bock, envoyé spécial à Minsk , modifié à
Ukraine, Russie, séparatistes et Européens se retrouvent mercredi à Minsk après de longues journées de tractations diplomatiques. Objectif : parvenir à un accord pour mettre un terme à la guerre.

La nuit a été blanche et agitée pour les cohortes de diplomates russes, ukrainiens, séparatistes et européens. Mardi soir, plusieurs d'entre eux ont passé la nuit dans le palais de l'indépendance de Minsk, la capitale biélorusse, où se tient mercredi un sommet de la plus haute importance pour l'avenir de l'Ukraine. L'objectif de ces diplomates : travailler en amont sur les points chauds du conflit qui sème la mort et la destruction dans le pays depuis plusieurs mois, pour permettre à Vladimir Poutine, François Hollande, Angela Merkel et Petro Porochenko de signer un accord satisfaisant le plus rapidement possible.

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Pourquoi organiser un nouveau sommet ?

Avant cette réunion capitale, la situation n'a rien de satisfaisante diplomatiquement. Un accord avait déjà été signé à Minsk le 5 septembre dernier. Il décrétait un cessez-le-feu entre l'armée régulière ukrainienne et définissait une ligne de démarcation entre les nouvelles Républiques populaires de Lougansk et de Donetsk d'un côté, et l'Ukraine de l'autre, tout en conservant ces territoires séparatistes sous le coup de la loi ukrainienne. Le problème, c'est que le cessez-le-feu n'a en aucun cas été respecté. Pire, avec l'appui de Moscou, les séparatistes ukrainiens ont repris leur offensive vers l'Ouest à partir de janvier. Depuis, ils contrôlent de nouvelles zones, sur une superficie de 500 kilomètres carrés environ. Ce nouveau sommet devrait permettre de mettre fin aux affrontements et de décider du sort de ce territoire aujourd'hui sous l'autorité des séparatistes.

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Quels sont les points discutés ?

Le problème, c'est qu'en rouvrant des négociations, chacun des protagonistes du conflit va chercher à rediscuter les points du précédent accord qui ne leur conviennent pas.

         • La nature constitutionnelle des Républiques de Donetsk et Lougansk

Dans l'accord précédent, les républiques séparatistes étaient reconnues comme autonomes, mais étaient toujours régies par la loi ukrainienne. C'est donc le parlement de Kiev qui avait voté une loi accordant pleine autorité aux institutions des deux républiques. Mais Donetsk et Lougansk avaient néanmoins préféré organiser leurs propres élections en Novembre. Autre point constitutionnel, souligné par Le Monde, les accords de septembre parlaient d'une "décentralisation" du pouvoir qui permettrait aux nouveaux territoires d'affirmer leur autonomie. Depuis, Moscou prône une "fédéralisation". Si la nuance semble minime, elle est d'importance. Dans la deuxième configuration, les Républiques Populaires pourraient influer sur les décisions du pouvoir central, notamment sur la politique étrangère. Inadmissible jusque là pour Kiev. 

                • Les questions territoriales : frontière, zone tampon et taille des Républiques

Outre la question de l'étendue des Républiques séparatistes, qui est à l'origine de l'organisation d'un nouveau sommet, d'autres questions territoriales devront être résolues. Suivant le niveau d'autonomie des régions de l'est de l'Ukraine, quelle sera la capacité de contrôle de sa frontière avec la Russie pour Kiev ? C'est toute la question à laquelle devront répondre les plénipotentiaires des différentes parties à Minsk. Les accords de septembre prévoyaient un contrôle conjoint de cette frontière par les séparatistes et l'OSCE, qu'en sera-t-il après le sommet ? Difficile à dire. C'est pourtant un point essentiel du conflit, puisqu'il est établi que les séparatistes ont pu lancer leur offensive de janvier grâce à l'appui matériel russe. De la même façon, une fois la ligne de démarcation établie, les chefs d'Etat devront aussi définir l'étendue de la zone-tampon qui séparera les deux armées afin de limiter les possibilités d'affrontements.

                • Les questions militaires : cessez-le-feu et désarmement

C'est l'objectif majeur des Européens dans ces négociations : obtenir un cessez-le-feu pérenne qui permette d'endiguer l'hécatombe ukrainienne. Pour ce faire, une condition sine qua non : le retrait des armes lourdes, alors que les bombardements se sont poursuivis dans la nuit de mardi à mercredi. D'autres questions seront abordées, comme l'amnistie pour les combattants des Républiques séparatistes, le départ des groupes illégaux et des étrangers.  

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Selon l'agence TASS, le Groupe de contact sur l'Ukraine, composé des diplomates représentant les séparatistes, l'Ukraine, la Russie et l'OSCE, seraient arrivés hier soir à un accord sur le cessez-le-feu et le désarmement. Les discussions seraient toujours en cours sur les autres points. Il est désormais capital que les chefs d'Etat, malgré un pessimisme ambiant rapporté par RFI, parviennent à un accord sur l'ensemble des conditions. Sans quoi le cessez-le-feu n'aurait que peu de chance de perdurer. Et l'urgence humanitaire, très pressante dans le Dombass, comme l'explique Jacques Sapir, pourrait encore s'aggraver.