Syrie : les intérêts de la France menacés ?

Selon une source diplomatique française, les principales craintes concernent en effet le Liban, où résident 2.000 Français et 20.000 bi-nationaux, et particulièrement les bâtiments diplomatiques.
Selon une source diplomatique française, les principales craintes concernent en effet le Liban, où résident 2.000 Français et 20.000 bi-nationaux, et particulièrement les bâtiments diplomatiques. © Reuters
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Charles Carrasco avec AFP , modifié à
DECRYPTAGE - Dans une interview au Figaro, Assad a averti la France d’éventuelles répercussions. Quels sont les risques ?

L’INFO. Aux yeux de Bachar al-Assad, la politique de l'Etat français est "hostile" au peuple syrien, jure-t-il dans une interview au Figaro. Des menaces proférées par le président syrien et prises très au sérieux par la France. Pour certains experts, une intervention occidentale pourrait se traduire par des actions contre des ambassades ou des ressortissants français au Moyen-Orient, particulièrement au Liban.

Bachar al-Assad a, en effet, mis en garde lundi dans un entretien au quotidien français contre le risque d'une "guerre régionale" en cas d'action militaire occidentale. Il a également menacé Paris de "répercussions négatives sur les intérêts de la France". "Nous prenons toutes les dispositions", a répondu mardi le président français François Hollande lors d'une conférence de presse avec son homologue allemand Joachim Gauck, en visite en France. François Hollande, qui a lu l’interview, s'est dit "renforcé encore dans (sa) détermination" après les menaces contre la France de Bachar al-Assad.

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Le Liban, cible principale ? Principale inquiétude à Paris : le régime de Damas pourrait viser des intérêts ou des ressortissants français au Liban, par l'entremise de groupes comme le Hezbollah, mouvement chiite libanais et allié indéfectible du pouvoir syrien. Selon une source diplomatique française, les principales craintes concernent en effet le Liban, où résident 2.000 Français et 20.000 bi-nationaux, et particulièrement les bâtiments diplomatiques, la Finul (mission de l'ONU), les écoles et les missions culturelles françaises. La diplomatie française a encore en tête l’assassinat par "les services par sécurité syriens" de l'ambassadeur français au Liban, Louis Delamare en 1981, rappelle Agnès Levallois, spécialiste du monde arabe, interrogée par Europe 1.

La vigilance est renforcée. Après les attentats au Liban qui ont frappé la ville de Tripoli le 23 août et Beyrouth le 9 juillet et le 15 août, "il a été décidé", a précisé Philippe Lalliot, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, "de renforcer la vigilance sur l'ensemble du territoire libanais". Sur le site "Conseils aux voyageurs" du ministère, la partie ouest du territoire libanais "est dorénavant signalée par la couleur orange et les déplacements y sont déconseillés sauf raison impérative". Le reste du pays est sous couleur rouge, c'est-à-dire "fortement déconseillé". "Les déplacements dans les zones frontalières du pays, à Saïda et au sud de Beyrouth restent toujours formellement déconseillés, ces zones figurant en rouge sur les cartes du site", a précisé le porte-parole.

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manuel valls 01 09 2013

© EUROPE 1

Des attentats ? Les experts estiment que le régime de Damas n'a plus les moyens logistiques de commettre des attentats sur le sol français. A l’heure actuelle, le ministère de l’Intérieur n’a d’ailleurs pas prévu de "réagir" aux menaces du président syrien par d'éventuelles mesures de sécurité. Selon les derniers chiffres, il y aurait "plus d’une centaine de Français ou de résidents en France" qui combattent en Syrie le régime de Bachar al-Assad, a affirmé Manuel Valls, invité du Grand Rendez-vous dimanche. "Un certain nombre d'entre eux sont revenus, ce qui rajoute à cette centaine, une dizaine d'entre eux sont morts là-bas. La difficulté, c'est qu'ils vont combattre un régime que nous condamnons nous-mêmes", assure le ministre de l’Intérieur. 

Toutefois, l’affiliation d’un certain nombre d’opposants eux est suivie de près par la place Beauvau. "Beaucoup combattent dans l'armée officielle de l'opposition, d'autres peuvent se retrouver dans des groupes djihadistes qui sont sur des listes d'organisations terroristes", précise Manuel Valls. Mais la menace n’est pas jugée plus haute qu’habituellement par le ministre de l’Intérieur : "elle n'a pas augmenté au cours de ces dernières semaines mais cette menace existe, à la fois de la part d'Etats, d'organisation djihadistes -nous avons eu des menaces très précises quand nous sommes intervenus au Mali de la part d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Et puis nous avons aussi une menace intérieure, nous l'avons vécu avec les crimes de Mohamed Merah".

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"Faire peur". Pour Agnès Levallois, spécialiste du monde arabe, Bachar al-Assad, dans un exercice de communication, cherche surtout à jouer sur le "registre de la peur". "C'est étonnant, quand il dit à propos des Français, 'peuvent-ils se mettre du côté de ceux qui comme Mohamed Merah ont tué des innocents en France ? (dans l'interview au Figaro, ndlr)', il y a un amalgame", note-elle. Il y a une volonté affiché du régime syrien de "dire aux Français : 'ce qui se passe en Syrie est uniquement une question de lutte contre le terrorisme, contre l’islamisme radical et vous ne pouvez pas vous trouver, vous Français, du côté de l’islamisme radical'".