Syrie : l'ONU dément l'usage de gaz sarin

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Charles Carrasco avec AFP , modifié à
Carla del Ponte a pourtant affirmé que les rebelles en avait utilisé.

L'INFO. Après le double raid aérien israélien sur la Syrie, la tension au Proche Orient est maximale. Sur le terrain, le conflit a gagné il y a quelques jours le cœur du pays alaouite, la minorité dont est issu Bachar al-Assad, faisant encore accroître les rivalités confessionnelles. Alors que depuis plusieurs semaines, la pression sur le régime s'accentuait sur une éventuelle utilisation d'armes chimiques, les premières conclusions de Carla del Ponte, membre de la Commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'homme en Syrie, sont tombées : les rebelles syriens ont bien fait usage du gaz sarin. Une affirmation démentie par sa propre commission

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Preuves ou pas preuves. La Commission "n'a pas atteint des résultats permettant de conclure que des armes chimiques ont été utilisées par les parties au conflit". "En conséquence et à ce jour, la Commission n'est pas en mesure de commenter davantage ces allégations". Une affirmation qui sonne comme un désaveu pour la Suisse Carla del Ponte, qui indiquait un peu plus tôt : "Nos enquêtes devront encore être approfondies, vérifiées et confirmées à travers de nouveaux témoignages, mais selon ce que nous avons pu établir jusqu'à présent, pour le moment ce sont les opposants au régime qui ont utilisé le gaz sarin"

Carla del Ponte, connue pour son travail en tant qu'ancien procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), a expliqué que les recherches de la Commission d'enquête de l'ONU, qui doit présenter ses observations aux prochaines sessions du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU en juin, étaient loin d'être terminées. Elle a, par ailleurs, précisé que les enquêtes en cours pourraient aussi établir si le gouvernement de Bachar al-Assad a aussi utilisé ou non ce genre d'armes chimiques.

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Des plaies et des pertes de mémoire. Cette version corrobore plusieurs témoignages de journalistes qui se sont rendus en Syrie mais également de plusieurs ONG et médecins sur le terrain. En mars, ParisMatch a publié le témoignage d'Omar, un enfant de 13 ans, qui aurait été victime d'armes chimiques. Après un bombardement, des plaies, des brûlures, des cloques, des troubles de la mémoire sont apparus. A Homs, les médecins lui ont diagnostiqué les scories d'un bombardement chimique et ont organisé un transfert vers le Liban.

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Qu'est ce que le gaz sarin ? C'est un puissant gaz neurotoxique découvert à la veille de la Seconde Guerre mondiale en Allemagne et utilisé dans le métro de Tokyo en 1995.

Outre son inhalation, le simple contact avec la peau de ce gaz bloque la transmission de l'influx nerveux et entraîne la mort par arrêt cardio-respiratoire. Il est inodore et invisible. Il peut être utilisé en aérosol, notamment à partir de l'explosion de munitions mais peut également servir à empoisonner l'eau ou la nourriture, selon le Center for Disease and Control Prevention (CDC) d'Atlanta.

La Turquie enquête. Les autorités turques ont fait procéder à des tests sanguins sur des réfugiés syriens blessés dans les combats dans leur pays afin de déterminer s'ils ont été victimes d'armes chimiques.

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Les États-Unis temporisent. Ces révélations s'inscrivent dans le contexte d'une prudence de l'administration américaine. Celle-ci ne souhaite pas reproduire l'erreur de George W. Bush qui avait lancé une guerre contre Saddam Hussein en Irak, prétextant la présence d'armes de destruction massive qui n'ont jamais été retrouvées. Barack Obama reste, lui, fidèle à sa ligne. Le président américain a promis une réévaluation des "options" sur la Syrie s'il était prouvé que Damas avait utilisé des armes chimiques. Il a toutefois mis en garde contre toute décision qui serait prise en réaction sans avoir "tous les éléments" en main. En clair il veut savoir qui a utilisé ces armes, quand et où.  

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Vers une intervention ? En utilisant ce gaz, "les rebelles avaient peut être envie de précipiter une intervention américaine. Cela aurait été compréhensible", décrypte Karim Emile Bitar, directeur de recherches à l'Institut des relations internationales (IRIS), interrogé par Europe 1. "On se dirige semble-t-il vers une intervention qui ne saurait plus tarder compte tenu du fait que nous sommes en présence d'une véritable guerre par procuration et non plus d'une révolution syrienne contre une dictature", analyse ce spécialiste. "Ce sont les puissances de la région qui s'affrontent", assure-t-il au lendemain du raid israélien en Syrie. "L'Iran et le Hezbollah soutiennent le régime syrien. Tandis que les puissances arabes sunnites avec les Etats-Unis essayent d'accélérer la chute du régime", renchérit Karim Emile Bitar sur Europe 1.

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Un casse-tête. Mais pour l'heure, cette frilosité des Occidentaux s'explique aussi par le casse-tête de la neutralisation de ces armes chimiques. Cette opération supposerait l'envoi d'une importante force militaire au sol ou des bombardements aériens aux conséquences incertaines. Mais avant tout cela implique avant tout de disposer de renseignements fiables et complets, s'accordent à dire les experts. Pour Elizabeth O'Bagy, de l'Institute for the Study of War, "il est impossible de recenser tous les sites" où se trouvent les armes chimiques, dont certains sont camouflés ou souterrains.